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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice
Autoren: Andrea H. Japp
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maître, mon valeureux, même si me voici devenu autre.
    L’animal s’apaisa. Sans y réfléchir, Hardouin le lança en direction de Mortagne. Il entra en ville peu après sexte* et se dirigea vers la belle demeure qu’occupait le sous-bailli lorsqu’il avait affaire en ville.
    Un valet le fit patienter dans l’ouvroir 5 puis le mena jusqu’à son maître. Arnaud de Tisans parut surpris de le voir. Son regard effleura la manche du gipon d’Hardouin et il commenta d’un ton pincé :
    — Je ne vois pas le baston.
    — Il est vrai. Vous ne le voyez pas, puisque vous ne voyez plus le bourreau.
    Il fallut quelques brefs instants au sous-bailli pour comprendre l’implication. Son visage se ferma :
    — Ah non ! Souffririez-vous, comme d’autres, de ces effarouchements de donzelle ? Le sang, les cris vous feraient-ils soudain horreur ? Pas vous, la plus belle main du royaume ! De grâce, épargnez-moi ces sensibleries de moniale. Vous ne pouvez pas… déserter de la sorte. Enfin, je… nous avons impératif besoin de votre office.
    Hardouin sembla réfléchir avant de répondre avec lenteur :
    — Effarouchements ? Non pas, messire. Alors que Fringant me portait, j’ai peu à peu compris que je souffrais d’une exigeante bilance 6 .
    — Perdez-vous le sens, à la fin ? s’emporta le bailli. Qu’est cette bilance ?
    Le regard gris pâle de M. Justice de Mortagne se fit implacable. Pourtant, un lent sourire étira ses lèvres et il déclara d’un ton très doux :
    — Je veux la tête de Jacques de Faussay. Je l’ai entendu se vanter du viol. Je le décollerai moi-même, sans requérir paiement. J’exige que l’honneur soit restitué publiquement à Mme Marie de Salvin, que sa dépouille soit exhumée et enterrée en terre consacrée, ainsi qu’elle le mérite.
    Arnaud de Tisans n’avait guère l’habitude qu’on lui parle de la sorte. Pourtant, il supporta l’insolence de celui qui n’avait été jusqu’ici à ses yeux que le plus méprisable de ses valets : son bourreau. Fichtre ! Cet homme-là se comportait avec une rigueur, une dignité sidérantes.
    — À défaut ? s’enquit-il quand même.
    — À défaut ? Je l’exécute en discrétion, puis disparais. Il vous faudra trouver un autre Maître de Haute Justice et ils ne sont pas si nombreux que cela.
    Tisans tergiversa encore quelques instants, sentant la menace sérieuse. Or, comment se passer de cadet-Venelle, surtout depuis le trépas de l’exécuteur de Bellême ?
    — Êtes-vous certain de votre fait, concernant Faussay ?
    — Oui-da. À moins qu’il ait voulu se vanter d’un acte ignoble. Et j’en doute fort. Je reconnaîtrai son compagnon qui pourra témoigner.
    — Bien. Jacques de Fausssay sera prévenu de son inculpation au demain et de l’interdiction qui lui est faite de quitter la région. L’enquête commencera sitôt. Prenez garde, cadet-Venelle. Si vous me fourrez en délicatesse, je ne vous le pardonnerai pas.

    Hardouin prit congé du sous-bailli peu après, incertain de la suite. Depuis son réveil, il avait le sentiment d’avancer poussé par une main. Une main fraîche et bienveillante.
    Il ne doutait pas de la parole du sous-bailli. Toutefois, M. de Tisans était homme de noblesse, doublé d’un politique. Un vieux renard 7 , habile à s’épargner les revers. M. Justice de Mortagne était bien placé pour savoir que la justice réservée aux manants 8 , aux gueux et aux serfs* 9 différait fort de celle que l’on accordait aux gens de haut. Si Jacques de Faussay avait été bourrelier 10 ou ongle-bleu 11 , on l’eût arrêté sur-le-champ et jeté dans une geôle ou un cul-de-basse-fosse avant même que débute l’enquête.
    Il s’étonna de se retrouver sous l’enseigne du Daguet blanc et descendit les quelques marches qui menaient à la grande salle.
    Maître Daguet, que sa sortie précipitée lors de sa dernière venue avait inquiété, se porta à sa rencontre.
    — Messire, messire, quelle joie de vous revoir ! Je me suis ému de…
    — Pardonnez-moi. Un encombre m’a brusquement saisi après que la conversation de vos deux autres clients m’eut insupporté les oreilles.
    — Ne m’en parlez pas ! J’ai eu un mal fou à les encourager, en courtoisie, à partir avant l’affluence du midi. Je le répète à maîtresse Daguet : quand on a le vin aigre et grossier, on ne boit pas… ou on ne s’installe pas dans mon établissement.
    — Sont-ce des
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