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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
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neuve et meurtrière.
    –  À l’intention du prochain qui me touche, annonça Noah. Le premier qui me remet la main dessus, dans cette compagnie, je l’éventre. Faites passer le mot.
    Immobile et très droit, il tendit le couteau pointé vers eux, au niveau de sa hanche.
    Donnelly regarda le couteau, puis regarda les deux autres hommes.
    –  Ça va, laissons-le se calmer pour l’instant, dit Donnelly. Il est cinglé.
    Lentement, ils se retirèrent. Noah demeura dans la même position, le couteau ouvert devant lui.
    –  Pour l’instant, cria Donnelly. J’ai dit, pour l’instant, ne l’oublie pas.
    Noah ricana en les voyant disparaître au coin d’un baraquement. Puis il baissa les yeux vers la longue lame luisante. Confiant, il referma le couteau et le glissa dans sa poche. En reprenant son chemin vers la baraque, il réalisa, soudain, qu’il avait découvert le meilleur moyen de survivre.
    Il hésita longuement à la porte de la baraque. À l’intérieur, un homme chantait :
    Donnez-moi la main… Et vous comprendrez…
    Noah poussa la porte et entra. Le premier, Riker l’aperçut.
    –  Bon Dieu ! dit-il. Regardez qui est là !
    Noah mit la main dans sa poche et palpa le manche de son couteau.
    –  Hé, c’est Ackerman, brailla Collins, à l’autre bout de la chambrée. Vous vous rendez compte !
    Et, soudain, tout le monde l’entoura. Noah s’adossa au mur, afin qu’aucun d’entre eux ne puisse le saisir par derrière et posa son pouce sur le petit bouton qui commandait la sortie de la lame.
    –  Alors, t’as passé du bon temps, Ackerman ? dit Maynard. T’es allé dans les boîtes de nuit ?
    Les autres éclatèrent de rire. La main de Noah se crispa sur le manche du couteau. Puis il les écouta rire et s’aperçut que leurs rires n’avaient rien de menaçant.
    –  Oh, Bon Dieu ! Ackerman, disait Collins, si t’avais vu la gueule de Colclough le jour où tu t’es barré ! Rien que pour ça, ça valait le coup de s’engager dans l’armée ! On croyait qu’il allait bouffer Rickett !
    Tous les autres s’étranglèrent de rire, au souvenir de ce jour glorieux.
    –  Y a combien de temps que t’étais parti, Ackerman ? dit Maynard. Deux mois ?
    –  Quatre semaines, dit Noah.
    –  Quatre semaines ! s’émerveilla Collins. Quatre semaines de vacances ! J’aimerais avoir le cran de le faire, moi aussi. Bon Dieu ! si seulement j’avais le cran de le faire…
    –  T’as l’air en forme, fiston.
    Riker lui frappa sur l’épaule.
    –  Ç’a l’air de t’avoir fait du bien.
    Noah le regarda, incrédule. Tout cela ne pouvait être qu’un piège, et sa main se resserra encore autour du manche de son couteau.
    –  Après que t’es parti, continua Maynard, y en a trois autres qu’ont suivi ton exemple et qui se sont cavalés. T’as lancé une mode, ici ; ça, c’est sûr. Le colonel a passé un savon monstre à Colclough, devant tout le monde. Qu’est-ce que c’est que cette saloperie de compagnie, où tout le monde fait le mur ? La pire compagnie de tout le camp, etc. On a cru que Colclough allait en crever de rage.
    –  Tiens, dit Burnecker, on a trouvé ça sous la baraque, et on te l’a mis de côté.
    Il lui tendait un petit paquet enveloppé de papier brun. Lentement, Noah ouvrit le paquet, sans quitter des yeux le visage de bébé souriant du grand Burnecker. C’étaient ses trois livres, légèrement moisis, mais parfaitement lisibles.
    Noah secoua la tête.
    –  Merci, dit-il, merci, les gars.
    Il posa les livres près de lui. Il n’osait pas encore regarder les autres et leur montrer ce qui se passait sur sa physionomie. Il comprenait vaguement que son armistice personnel avec l’armée venait de se conclure. Il avait été conclu sous la menace d’un couteau et grâce au prestige absurde de son opposition à l’autorité, mais il n’en était pas moins réel, et, tout en regardant sans les voir les trois livres endommagés posés sur la couchette, Noah comprit que cet armistice serait probablement définitif, et pourrait même, à la longue, se transformer en une solide alliance.

21
     
     
     
    LE lieutenant du peloton avait été tué le matin même, et Christian assurait le commandement lorsqu’ils reçurent l’ordre de se replier. Et pourtant l’activité américaine était presque nulle dans le secteur, et le bataillon occupait d’excellentes positions, sur une colline, au-dessus d’un village en ruine à
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