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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1
Autoren: Irwin Shaw
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croisa celui de Margaret. Elle lui sourit.
    –  Chantez, dit-elle.
    Il lui rendit gravement son sourire et leva son verre. Elle le vit se mettre docilement à chanter, bien que la confusion ambiante ne lui permît pas d’entendre le son de sa voix.
    Avec l’heure et le punch et la proximité d’une nouvelle année, la party était devenue moins formaliste. Dans les coins sombres de la pièce, des couples s’embrassaient, des mains s’égaraient, les voix montaient, plus fortes et plus confiantes, et Margaret avait peine à suivre et à comprendre les chansons pleines d’argot et de sens cachés qui faisaient glousser les femmes, et provoquaient le rire des hommes.
    Juste avant minuit, le vieux Langerman monta sur une chaise, réclama le silence, fit un signe à l’accordéoniste, déclama d’un ton légèrement incertain :
    –  En tant que vétéran du Front de l’Ouest, blessé trois fois de 1915 à 1918, j’aimerais que vous chantiez maintenant avec moi.
    Il fit un nouveau signe à l’accordéoniste, qui plaqua les accords préliminaires de Deutschland, Deutschland uber Alles. C’était la première fois que Margaret entendait chanter cette chanson en Autriche, mais une bonne allemande la lui avait apprise quand elle avait cinq ans. Elle se souvenait toujours des paroles et les chanta avec eux, se sentant vaguement grise, et intelligente, et internationale. Frédérick la serra plus étroitement et l’embrassa sur le front, enchanté de voir qu’elle connaissait la chanson, et le vieux Langerman, toujours sur sa chaise, leva son verre et proposa un toast.
    –  À l’Amérique ! Aux jeunes Américaines !
    Margaret vida son verre d’un trait et s’inclina.
    –  Au nom des jeunes Américaines, dit-elle courtoisement, permettez-moi de vous dire que je suis enchantée.
    Frédérick l’embrassa dans le cou, mais, avant qu’elle ait pu décider de ce qu’il convenait de faire à cet égard, l’accordéoniste plaqua de nouveaux accords primitifs, et toutes les voix, triomphantes et rauques, se remirent à chanter en chœur. Un instant, Margaret ne reconnut pas la chanson. Elle en avait entendu des fragments, une fois ou deux, à Vienne, mais les voix mâles et tonitruantes, épaissies par l’alcool, rendaient presque inintelligibles les paroles allemandes.
    Frédérick la tenait toujours, raide et tendu près d’elle, et elle sentait se durcir ses muscles, dans la passion de la chanson. Elle regarda attentivement ses lèvres, et, finalement, la reconnut.
    –  Die Fahne hoch, die Reihen fest geschlossen, chantait-il, S. À. m arschiert in ruhig festen Schrit Kameraden die Rotfront und Reaktion erschlossen.
    Margaret écouta, et son visage se tendit. Elle ferma les yeux, à demi suffoquée par l’écrasante musique et essaya de repousser Frédérick. Mais son bras était verrouillé autour d’elle, et elle resta immobile et écouta. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle chercha le regard du professeur de ski. Il ne chantait pas ; il l’observait seulement, d’un regard troublé et compréhensif.
    Les voix étaient de plus en plus fortes, pleines de menaces, et chantaient à présent le refrain liminaire de la chanson du Horst Wessel. Les hommes se tenaient droits, les yeux étincelants, fiers et dangereux, et les femmes chantaient comme des choristes d’opéra devant un dieu de carton-pâte. Seuls, Margaret et le jeune homme hâlé aux yeux pailletés d’or étaient encore silencieux lorsque le dernier Marschieren mit uns in ihrem Geiste mit résonna à travers la pièce.
    Margaret se mit à pleurer, silencieusement, faiblement, se haïssant pour cette marque de faiblesse, emprisonnée par le bras rigide de Frédérick. Les cloches de toutes les églises du village commencèrent à sonner en longues volées joyeuses, dont les collines se renvoyèrent les échos.
    Rouge betterave à présent, la sueur ruisselant sur son crâne chauve, les yeux luisants comme ils avaient dû luire, en 1915, lorsqu’il était arrivé sur le Front de l’Ouest, le vieux Langerman leva son verre.
    –  Au Führer, dit-il, d’une voix grave, presque mystique.
    –  Au Führer !
    Les verres étincelèrent dans la lueur des flammes, les bouches burent, impatientes et sanctifiées.
    –  Bonne et heureuse année ! Bonne et heureuse année ! Dieu vous bénisse cette année !
    Leur accès de patriotisme forcené était terminé.
    Les invités rirent et échangèrent des poignées de main, et des
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