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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Autoren: Ron Hansen
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sous un manteau miteux afin de masquer
un pied bot qu’une démarche travaillée rendait sinon presque imperceptible. Il
avait participé à l’attaque de la voiture express du Chicago, Rock Island and
Pacific par les frères James le 15 juillet et avait ensuite offert l’hospitalité
aux hors-la-loi chez sa sœur, aux environs de Richmond. Il était donc en faveur.
Son frère William avait épousé la sœur de Jim Cummins – c’était d’ailleurs ce
qui lui avait valu d’être remarqué – et il allait régulièrement à la chasse aux
pigeons ou aux tourterelles avec Ed Miller, qui avait permis son recrutement
dans la bande en le présentant à Jesse à l’occasion d’une nuit autour d’une
table de jeu, lors de laquelle Charley était apparu aux yeux de Jesse comme un
type futé et généreux. Par quel mystère ? Charley ne se l’était jamais
expliqué.
    Charles Wilson Ford était un jeune rustaud
maigre comme un clou, d’une ignorance attachante, qui s’excusait de ses défauts
avant même qu’on les relevât : il y avait chez lui un côté bon toutou, un
autre avide, reconnaissant et vulnérable qui compensait sa vulgarité générale. Ses
yeux marron terne étaient enfoncés dans son crâne et sa paupière droite si
tombante qu’elle paraissait de traviole, comme si elle avait été empruntée à
quelqu’un d’autre à la va-vite. Dépareillées, aussi, ses oreilles – la droite
semblait figée en plein essor – et ses dents – son prognathisme maxillaire lui
donnait l’air de se mordiller la lèvre inférieure. Il avait de lourds sourcils
noirs et une moustache guère plus rêche que du duvet qui évoquait une traînée d’encre
de journal sous son nez. Sa peau était piquée d’acné, ses doigts avaient
souvent l’air aussi crasseux que ses bottes et il s’exprimait avec un
zézaiement pitoyable qui le faisait sembler plus jeune que ses vingt-quatre ans.
    Jesse parlait de la première centrale
électrique au monde, que Thomas A. Edison faisait bâtir dans Pearl Street, à
New York. Il exposa, erronément, le principe de la lampe à incandescence, cependant
que Charley frappait le sol avec la pointe d’un bâton, pressait des éruptions
rouge violacé sur ses épaules et dans son cou ou prenait la mesure des autres
auditeurs par des coups d’œil en biais. Un blanc-bec coiffé d’un tuyau de poêle
gris s’arracha des chicots et des griffes de la forêt, tendit la main dans la
fumée bleutée du feu, fit l’éloge de ce pot-au-feu hétéroclite, puis s’employa
principalement à contrefaire de basses besognes au voisinage de Jesse afin de
pouvoir l’écouter en douce. Enfin, Clarence Hite abandonna sa place et, poussant
John Bugler, le jeune homme cabriola par-dessus bottes et jambes pour s’insinuer
à côté de Charley Ford avec une incivilité et un sans-gêne qui trahissaient la
fraternité. Le jeune homme avait été présenté à Jesse plus d’une fois, mais le
hors-la-loi n’avait pas éprouvé la nécessité de retenir son prénom et alors qu’il
passait mentalement en revue la liste des noms que Frank lui avait lue le lundi
soir, il ne cessait d’en revenir à « Bunny ». Le gosse branlait du
chef comme un canasson chaque fois que les paroles de Jesse semblaient requérir
quelque approbation ; chaque fois que Jesse assaisonnait ses propos d’une
pointe d’humour, le cadet des frères Ford éclatait d’un rire trop fort et
contagieux qui alternait hululements ineptes et envolées semblables à des
glissandos sur un piano. Ses yeux d’un bleu dont la nuance variait avec la
lumière étaient de ceux qui n’erraient jamais, ses oreilles de celles qui
discernaient chaque nuance, chaque plaisanterie, ses regards appréciateurs de
ceux qui suggéraient qu’il comprenait Jesse mieux que quiconque.
    Frank rentra de reconnaissance et observa les
désœuvrés d’un air renfrogné en buvant du café noir en compagnie d’un Jim Cummins
nonchalant. Dick Liddil fit sonner les parois métalliques de la marmite avec
une cuillère en bois en appelant « À la soupe ! » et le gang se
mit en file près du feu avec des couverts et des bols sortis de nulle part. Ford
cadet fut le dernier à se lever, ne recouvrant ses jambes qu’une fois Jesse
debout et lui emboîtant le pas, tel un page.
    « Est-il trop tard pour vous souhaiter un
bon anniversaire ? »
    Jesse sourit.
    « Comment tu sais ça ? »
    Bob Ford se tapota la tête.
    « Vous seriez surpris de ce que
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