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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Autoren: Ron Hansen
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autour de lui, fendant les rideaux de moustiques et de
moucherons qui se désorganisaient puis se reformaient et se posaient dans son
cou en un souffle.
    « Je mentais quand je disais que je
traînais dans le coin par hasard, avoua-t-il. Je vous pistais, j’étais à votre
recherche. Je me sens stupide de ne pas vous l’avoir dit tout de suite. »
    Frank sortit de sa poche de quoi se confectionner
une autre cigarette. Il n’était nullement enclin à converser. Bob gratta sa
tignasse embataillée par le port du chapeau.
    « Les gens me prennent parfois pour un
nigaud parce que je fais sale impression la première fois, alors que j’ai
toujours eu le sentiment d’être juste un cran en dessous des frères James. Du
coup, j’espérais que si je vous coinçais sans tous ces péquenots autour, je
pourrais vous prouver que je suis différent. Je suis sincèrement persuadé que
je suis promis à de grandes choses, Mr James. Mes qualités ne sautent
peut-être pas aux yeux d’emblée, mais si vous me laissez une chance, je saurai
me montrer à la hauteur – je vous le garantis. »
    Frank lécha sa cigarette et gratta une
allumette sur la semelle de sa botte.
    « Vous n’êtes pas si extraordinaire que
ça, Mr Ford. » Il inhala la fumée et la laissa ramper dans sa bouche
avant de l’expirer. « Vous êtes comme n’importe quel autre freluquet grimé
en vue d’une escapade. Vous vous prenez peut-être pour l’une de ces fines
gâchettes dont il est question dans les romans de quat’sous, mais vous feriez
mieux de vous extirper ça de la tête. Vous n’en avez pas l’étoffe.
    — Je suis navré que ce soit ce que vous
pensiez, vu le crédit que j’accorde à votre opinion. » Il écrasa un
moustique et contempla sa paume mouchetée de sang, puis se releva et
rechapeauta ses cheveux courts aussi fins que ceux d’un bébé. « En fait de
fine gâchette, je n’ai qu’un vieux Colt Patterson de papy et un ceinturon prêté
pour le mettre dedans. Mais j’ai soif de davantage. J’escomptais qu’en me
joignant à vous, je m’en rapprocherais. Voilà la vérité pure et simple.
    — Et donc, qu’est-ce que vous voulez ?
    — Que vous me laissiez vous couvrir ce
soir.
    — Me couvrir ? »
    Frank songea à la signification de ce verbe
appliqué à une jument.
    « Histoire que vous puissiez vous rendre
compte de mon cran et de mon intelligence. »
    Frank regarda sa cigarette, tira encore une
bouffée, puis l’expédia d’une pichenette sur une traverse où un détective des
chemins de fer écrasa plus tard le mégot sous un de ses croquenots.
    « Je ne sais pas à quoi ça tient, mais
plus tu parles, plus tu me fais froid dans le dos. Je n’ai même pas envie que
tu sois à portée de voix de moi de toute la soirée.
    — Désolé…
    — Et si tu allais voir ailleurs ? »
lâcha Frank, et Bob Ford repartit vers le sommet de la colline en écartant les
broussailles avec des gestes brusques.
    Ed, le jeune frère
du défunt Clell Miller, avait suspendu une grosse marmite en fer au moyen de
son lasso ; Dick Liddil et lui dégottèrent des oignons sauvages et des
légumes (mal) surveillés par des épouvantails, pendant que Jesse continuait, pour
la deuxième heure consécutive, à défricher les sujets de causerie. Il
débroussailla, repiqua et marna jusqu’à ce qu’il eût fait le tour du rôle du
général Jo Shelby durant la guerre de Sécession, des redoutables sous-marins
revêtus d’acier et des crises de nerfs de Mrs Mary Todd Lincoln. Il était
souvent facétieux, mais nul ne se risquait à sourire avant lui. Son auditoire
variait au gré des tâches à accomplir – s’occuper des bêtes, surveiller les
routes ou, pour les bleus, s’acquitter des corvées de cuisine –, mais chaque
place vacante était âprement disputée autour de Jesse, qui poursuivait ce qu’il
aimait à appeler des palabres.
    Son cousin Robert Woodson Hite resta à sa
gauche durant tout l’après-midi, boudeur, remâchant quelque affront imaginaire.
À côté de lui, se tenait Clarence, son frère, qui avait la mâchoire pendante, était
voûté, tuberculeux et aussi dépourvu de ruse qu’une éponge. Parmi les
persévérants figurait également Charley Ford, qui régurgitait et crachait des
mucosités, qui s’esclaffait et brayait un rien après les autres, mais dont les
hi-han se prolongeaient quelques secondes après que le reste de l’assemblée se
fut tu, qui camouflait sa botte gauche
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