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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Autoren: Ron Hansen
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messagerie de la Chicago and Alton dans cette même région,
à Glendale, et c’était non loin de là, à Independence, que Frank James, accroupi
au milieu de douves entassées sous le soleil de l’après-midi, à l’arrière d’une
tonnellerie, attendait son frère, en mangeant un sandwich au concombre.
    Jesse apparut dans l’ombre circulaire d’un
buisson d’airelle et inclina son chapeau afin de ne pas révéler son visage au
voisinage ; son frère engouffra le dernier coin du sandwich, se redressa
de toute sa hauteur et essuya sa large moustache de sa paume.
    Frank avait trente-huit ans, mais en
paraissait facilement cinquante. Il mesurait un mètre soixante-dix-sept – ce
qui était alors supérieur à la moyenne – pour soixante-huit kilos. Il avait des
oreilles presque de la même taille que ses mains et une moustache châtaine qui
semblait maintenue en place par un long nez crochu et imposant. Son menton
protubérait, ses muscles maxillaires saillaient, sa bouche rectiligne était
aussi grave qu’un coup de hache et il grinçait des dents dans son sommeil, de
sorte qu’elles étaient toutes aussi carrées que des molaires. C’était un homme
sévère et compassé ; on eût pu le prendre pour un magistrat, un
évangéliste ou un banquier possédant une ferme dont il se fût occupé le
week-end ; son visage et son comportement respiraient la rectitude et la
résolution ; le dédain et même la malignité se lisaient dans ses yeux
verts.
    Frank passa un cardigan noir par-dessus sa
chemise de cavalerie bleue, puis son manteau gris, dardant un regard mauvais
sur deux jeunes filles qui s’attardaient dans la rue sur leurs poneys pommelés
et sur un homme qui avait les mains dans les poches à cinquante mètres de là.
    « Moi et lui, on est des pasteurs
itinérants, c’est pour ça que vous nous avez jamais vus avant ! »
cria Jesse.
    L’homme continua de les fixer. Frank détacha
sa monture, se hissa en selle et, comme les deux frères s’éloignaient sur la
route en direction de l’est, l’indiscret pénétra dans la quincaillerie de l’autre
côté de la rue afin de formuler ses conclusions quant aux deux durs à cuire qu’il
venait d’observer.
    « Tu t’arrêtes dans ce genre de patelin
pour bouffer et même pas cinq minutes plus tard, il se trouve toujours un
crétin pour donner son opinion sur ces deux vilains-pas-beaux étrangers et sur
l’appétit qu’ils ont, commenta Jesse.
    — Je vais regretter ces concombres, maugréa
Frank. Ils ne vont pas me laisser tranquille de la nuit. »
    Jesse jeta un coup d’œil inquiet à son frère.
    « Ce qu’il faut que tu fasses, c’est que
tu saupoudres un peu d’alun sur une pièce de dix cents, que tu le fasses
chauffer avec une allumette et que tu le lèches. C’est souverain contre la
dyspepsie. Tu seras remis en moins de quatre jours.
    — Toi et tes remèdes de bonne femme… »
    Frank coupa la route à son frère et ils
tournèrent à gauche sur une piste indiquée par deux ornières jumelles encadrant
une bande médiane d’herbes tachées de graisse et malmenées par les essieux. Un
grand nombre d’animaux avait foulé la piste en groupe sur un peu moins d’un kilomètre
avant de s’en écarter au milieu d’herbages qui s’élevaient à hauteur de jarret
et se perdaient entre des escarpements verdoyants. Les frères James décrivirent
des itinéraires excentriques dans la même direction générale, Jesse divaguant
de droite et de gauche par ennui, se penchant avec extravagance sur sa selle, faisant
part à tue-tête de ses questions et de ses observations à Frank par-delà la
distance qui les séparait. Puis Frank se coula sous une branche qui lui râpa l’épaule
en faisant voleter de la poussière de son manteau, Jesse entraîna son cheval
sur sa droite dans une ravine où l’animal dérapa bruyamment dans des feuilles
mortes, et ils se fondirent dans la forêt.
    Ils débouchèrent sur une étendue de schistes
bruns, de fougères vertes, et d’humus où le soleil était proscrit et où, entre
deux arbres dénudés reliés par sept mètres de corde en chanvre, étaient
attachés un nombre considérable de chevaux. Non loin se tenaient treize hommes
qui buvaient du café, accroupis, musardaient ou étreignaient des fusils entre
leurs bras : ils étaient métayers, commis ou journaliers, émergeaient de l’adolescence
ou avaient à peine la vingtaine, portaient des salopettes rapiécées, des
pantalons de
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