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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Autoren: Ron Hansen
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un
franc-tireur poursuivant une guerre civile qui ne s’était jamais terminée. Il n’éprouvait
aucun remords quant aux vols et aux dix-sept meurtres dont il pouvait se prévaloir,
mais il se reprochait chaque calomnie, chaque affront, ainsi que son besoin
maladroit d’attention et sa fatuité démesurée, de sorte qu’il était courtois et
poli à l’excès afin de déguiser ce qu’il y avait, à son sens, de vulgaire, de
primitif et de dépravé chez lui.
    Il sentait des odeurs de sang le matin quand
il était malade, il errait d’une pièce à l’autre la nuit, il entendait parfois
des enfants dans le cellier, il s’aventurait dans la Prairie au milieu des blés
pour scruter l’horizon.
    Il avait tué un été de plus à Kansas City, Missouri,
et, en ce 5 septembre 1881, il venait d’avoir trente-quatre ans.
    Il avait pour l’occasion
invité Alexander Franklin James à venir de la ferme de leur mère à Kearney, ils
avaient dîné de lièvre, de pommes de terre bouillies aux oignons et d’un gâteau
à la noix de pécan, puis tous, à l’exception de Frank, avaient signé la nuit de
leur autographe à l’aide de cierges magiques au magnésium offerts à son père
par Jesse Edwards James, un gamin de six ans qui se figurait que son prénom
était Tim. Frank offrit à son frère cadet une paire de boutons de manchette en
corail rose et tous deux jouèrent au cribbage tandis que Zee couchait les
enfants, puis après qu’elle se fut retirée pour le reste de la soirée, se
rendirent dans le centre à bord d’un tramway tiré par des mules, dans lequel
Frank se cura les ongles pendant que, de l’autre côté de l’allée, Jesse, voûté
en avant dans sa redingote, lui exposait de manière compulsive comment il
entendait attaquer le train de la Chicago and Alton au niveau du déblai dit de
Blue Cut.
    Le lendemain matin, Frank partit vers l’est à
cheval et Jesse baguenauda pendant tout le mardi ainsi qu’une partie du
surlendemain. Il sélectionna des grains de café dans un bocal et les moulut
aussi fin que de la poussière de charbon. Il savonna sa selle et son
harnachement, puis fourbit les anneaux et la gourmette avec du saindoux ; il
transbahuta de l’eau et des fagots de bois cordé ; il attacha à la corne
de sa selle un sac de toile portant la marque de fabrique rouge de marchands de
céréales de Saint-Louis. Sa fille de deux ans lissa sa barbe brun clair avec
une brosse de poupée, il enfila une chemise en lin blanche et ses habits du
dimanche en laine grise, noua un foulard bleu autour de son cou et revêtit une
capote crasseuse d’officier confédéré qui exhalait de riches effluves de
travail manuel et était suffisamment lourde pour casser net les patères d’un
portemanteau. Il mangea de la soupe d’okra au déjeuner et embrassa Zee, puis il
prit la direction de l’est par les petites rues et les sentiers à vaches, les
poches de son manteau cliquetantes, remplies de morceaux d’ardoise qu’il
lançait dans les arbres ou décochait à des chiens bourrus et réprobateurs.
    Il engagea sa monture dans la direction d’Independence
et s’enfonça dans des bois qui se départissaient de leur vert au profit des ors
et des bruns de l’automne. Se baissant pour éviter les branches gênantes, il
zigzagua d’un passage à l’autre entre des fourrés de chênes et des taillis qui
se défaisaient de leur feuillage jaune à la moindre provocation. Il apercevait
à sa gauche, par des jours, des découpes dans la barrière des arbres, le
Missouri, large comme un village et terreux comme une route, régulier dans sa
progression. Il longea une cabane en bois cachée, dont l’unique pièce était
pourvue d’un plancher en demi-rondins. Des chèvres musaient sous le porche et
une fumée bleue s’effilochait de la cheminée. Un homme aux pieds crépis de boue
roussâtre produisit un fusil de derrière la porte, tandis qu’une femme coiffée
d’un large chapeau de soleil, qui tanguait au milieu d’un parc à cochons, un
seau dans chaque main, jaugeait son attitude, ses dispositions et la valeur de
son cheval.
    Il existait à l’époque, dans le comté de
Jackson, à l’est de Kansas City, une région du nom de Cracker Neck abritant des
fermes délabrées et d’anciens partisans confédérés qui prenaient
systématiquement parti pour la bande des frères James et fournissaient asile
aux hors-la-loi après leurs méfaits. Deux ans auparavant, le gang avait
dévalisé un wagon de
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