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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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ne pouvait distinguer ses yeux.
    Au dernier palier, la lumière s’éteignit de nouveau. Ravic remonta en courant pour trouver le commutateur. À cet instant, l’ascenseur se mit en mouvement, et passa, brillamment éclairé, comme s’il descendait du ciel. L’acteur était dans la cage de métal. Il descendait sans bruit, glissant comme une apparition. Il avait trouvé l’ascenseur à l’étage supérieur, et l’avait pris pour les rejoindre. C’était normal, et pourtant, cela produisait un effet fantomatique et d’un comique terrifiant.
     
    Ravic leva la tête. Il avait cessé de trembler. Ses mains ne transpiraient plus sous les gants de caoutchouc. Il avait dû les changer deux fois. Veber était en face de lui.
    « Ravic, si vous voulez, appelez Martel. Il peut-être là dans quinze minutes. Vous pourrez l’assister.
    –  Non. Il est trop tard. Du reste je ne pourrais pas. Ce serait encore plus dur de regarder seulement. »
    Ravic respira profondément. Il était calme, maintenant. Il se mit à travailler. « La peau. Blanche. Un peu comme toutes les autres, se dit-il. La peau de Jeanne. Une peau comme toutes les autres. Le sang de Jeanne. Un sang comme tous les autres sangs. Un tampon. Le muscle déchiré. Un tampon. Attention ! Là, des fils argentés. Le canal de la plaie. Des éclats d’os. Continue. Le canal de la plaie qui mène… qui mène… » Ravic sentit son cerveau se vider. Lentement, il se redressa.
    « Tenez, regardez, Veber… la septième vertèbre… »
    Veber se pencha pour regarder.
    « C’est mauvais.
    –  Non. Pas mauvais. C’est sans espoir. Il n’y a rien à faire. »
    Ravic contempla ses mains. Elles remuaient sous la mince membrane de caoutchouc. Des mains fortes, des mains habiles qui avaient fait mille opérations et avaient recousu" des corps déchirés. Des mains qui avaient réussi souvent, et parfois échoué. Combien de fois avaient-elles accompli l’impossible, lorsqu’il ne subsistait qu’une chance sur cent ? Mais maintenant, tout dépendait d’elles, et elles étaient impuissantes.
    Il ne pouvait rien faire. Personne ne pouvait rien faire. Une opération était impossible. Il contemplait la plaie rouge. Il aurait pu faire demander Martel, mais il aurait confirmé son diagnostic.
    « Il n’y a vraiment rien à faire ? demanda Veber.
    –  Rien. Nous la tuerions plus vite. Nous l’affaiblirions. Vous voyez où la balle s’est logée. Je ne peux même pas l’enlever.
    –  Le pouls est irrégulier. Il s’accélère… cent trente… » dit Eugénie.
    La plaie sembla prendre une vague teinte grisâtre. Comme si un souffle d’ombre l’avait touchée. Ravic avait la seringue de caféine prête.
    « De la coramine, vite ! Arrêtez l’anesthésie. »
    Il fit une seconde piqûre.
    « Comment est le pouls, maintenant ?
    –  Pas de changement. »
    Le sang conservait une teinte plombée.
    « Ayez une seringue d’adrénaline toute prête. Et l’appareil à oxygène ! »
    Le sang noircissait. On eût dit que les nuages y projetaient leur ombre.
    « Le sang, dit Ravic avec désespoir. Une transfusion. Mais je ne connais pas son groupe sanguin. »
    L’oxygène se mit à fuser.
    « Rien ? Eugénie ? Toujours rien ?
    Le pouls descend. Cent vingt. Très faible. »
    La vie sembla revenir.
    « Et maintenant ? C’est mieux ?
    –  Pareil. »
    Il attendit.
    « Et maintenant.
    –  Mieux. Plus régulier. »
    Les ombres se dissipèrent. Les bords de la plaie perdirent leur teinte pâlie. Le sang redevint du sang. L’oxygène agissait.
    « Ses paupières battent, dit Eugénie.
    –  Ça ne fait rien. Elle va probablement s’éveiller. »
    Ravic appliqua le pansement.
    « Comment est le pouls ?
    –  Plus régulier.
    –  Ç’a été tout juste », dit Veber.
    Ravic se sentit comme une pression sur les paupières. C’était la sueur. De larges gouttes. Il se redressa. L’oxygène fusait toujours.
    « Il faut continuer. »
    Il fit le tour de la table et s’immobilisa pendant quelques minutes. Il ne pensait à rien. Il regardait tour à tour le réservoir d’oxygène et le visage de Jeanne qui palpitait. Elle vivrait encore.
    « Traumatisme, dit-il à Veber. Voici un échantillon de son sang. Il faut l’analyser immédiatement. Où trouverons-nous du sang ?
    –  À l’hôpital américain.
    –  En effet ; il faut essayer. Ça prolongera un peu sa vie, c’est tout. » Il regarda le réservoir.
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