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Lancelot du Lac

Lancelot du Lac

Titel: Lancelot du Lac
Autoren: Jean Markale
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commencent à s’allumer les bûchers de l’Inquisition !), le schéma mythologique demeure intact, y compris et surtout dans les versions en apparence les plus christianisées, donc les moins suspectes de déviations.
    Ainsi donc surgit brutalement, dans l’épopée arthurienne, celui qu’on attendait sans savoir quel aspect il revêtirait, autrement dit Lancelot du Lac. C’est Chrétien de Troyes, le premier, qui le fait entrer dans la légende, brutalement, comme s’il y avait été toujours contenu, au cours du récit du Chevalier de la Charrette . Mais il ne faudrait pas croire que Lancelot est un personnage littéraire né de l’imagination fertile du conteur et poète champenois. Au moment où Chrétien, pour obéir aux ordres de la comtesse Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine, sa protectrice, décrivait les exploits héroïques et amoureux de Lancelot dans le ton des « cours d’amour » dont étaient friandes la comtesse et sa mère, la deux fois reine, un autre écrivain, allemand celui-là, Ulrich von Zatzikhoven, racontait, d’une manière très différente, les premières années de ce héros qui allait devenir bientôt le parangon de toute la chevalerie arthurienne. Et Ulrich, qui était « clerc » lui aussi, se référait sans cesse à un welche buoch , autrement dit à un ouvrage en langue française, dont nous ignorons tout, mais qui, en aucun cas, ne pouvait être celui de Chrétien. C’est la preuve que Chrétien et Ulrich récupéraient une « histoire » plus ancienne pour en tirer parti, chacun selon son tempérament, Chrétien pour démontrer la puissance de l’Amour courtois, Ulrich pour avertir ses lecteurs qu’il ne suffit pas d’être né de famille noble pour être un héros mais qu’il est nécessaire d’accomplir des exploits pour mériter son nom, donc sa personnalité. Et si l’on étudie attentivement le texte d’Ulrich, on s’aperçoit, d’après les noms propres et certaines tournures de phrases, que le texte français qui lui a servi de modèle était en réalité la transcription d’une légende orale d’origine incontestablement bretonne-armoricaine (4) mais complètement étrangère au cycle arthurien primitif.
    Effectivement, toutes les versions ultérieures feront de Lancelot du Lac un étranger au royaume d’Arthur. On signalera avec complaisance qu’il parle avec un « accent gaulois » et on insistera sur le fait que ses domaines sont, non pas dans l’île de Bretagne mais sur le continent, en Bretagne armoricaine. On mettra aussi l’accent sur l’existence d’un « clan armoricain » qui n’est pas vraiment intégré au monde arthurien, qui reste marginalisé, qui manifeste toujours son indépendance, et dont il est le chef moral incontestable, soutenu par ses cousins Bohort et Lionel. Certes, Lancelot agira pour le bien de la communauté de la Table Ronde, mais à sa façon, sans jamais s’y intégrer totalement, gardant toujours une immense marge de manœuvre, prêt à tout moment à reprendre sa liberté : il ne se sent pas lié par un serment définitif, même si, après la bataille finale où disparaît Arthur, et à laquelle il ne participe pas (5) , il revient venger le roi en bon justicier qu’il est. Et, dans la Quête du Graal , il occupe une position également marginale : il est le meilleur chevalier du monde, mais en raison de son péché avec la reine Guenièvre, il ne pourra jamais découvrir le Graal. Et pourtant, dans la version cistercienne, il donnera naissance – dans des conditions plutôt sulfureuses – à un fils, Galaad, qui sera vraiment le Roi du Graal. Étrange personnage que ce Lancelot du Lac, souvent incompréhensible, déroutant, auréolé à la fois de gloire et d’opprobre, fantôme errant à travers les hautes figures des compagnons d’Arthur…
    Mais sa complexité est riche d’enseignements. Sur le modèle historique d’un personnage ayant vécu au VII e siècle dans le pays de Vannes, se sont greffées diverses composantes mythologiques dont la plus importante est l’image d’un dieu celtique, celui que Jules César, dans ses Commentaires , appelle le « Mercure gaulois », et qui est le célèbre Lug à la Longue Lance des traditions irlandaises, fondateur mythique des villes de Lyon ( Lugu-Dunum = forteresse de Lug), de Laon, de Loudun et de bien d’autres cités de l’ouest de l’Europe. Et ce Lug, d’après les récits irlandais, est possesseur d’une lance
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