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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois
Autoren: Jean Markale
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(pourtant
considérée comme germanique), comme l’Armorique, le massif Central, la
Grande-Bretagne, les marques de la présence des Celtes sont loin d’avoir
disparu : au contraire, tout semble prouver que les substructures
celtiques ne sont nullement ruinées au XI e  siècle
et qu’elles constituent même le fondement de tout ce qui se construit.
    Ce sont toutes ces données qu’il faut se remémorer si l’on
veut comprendre comment et pourquoi, au cours du XI e  siècle,
est apparue une nouvelle façon de poser le problème des rapports entre hommes
et femmes, ces rapports étant liés très étroitement à des spéculations
intellectuelles et spirituelles. Certes, cela ne concerne qu’une infime
minorité de gens, toujours dans la haute société, autour d’un riche seigneur et
surtout autour d’une grande dame, au milieu d’une cour qu’on s’efforce de
rendre élégante et raffinée, là où se retrouvent ce qu’on pourrait appeler les
beaux esprits du temps. Et il y en a. Mais l’ensemble de la population, toutes
classes confondues, n’est guère touché par cette nouvelle « mode ». Ce
n’est pas sans raison que l’appellation d’amour courtois a prévalu sur celle de fin’amor , et si, par la suite, surtout grâce
aux chants des troubadours et aux romans dits courtois, cette mode a fait
fureur dans toute l’Europe aristocratique, il faut bien dire que sa naissance
demeure fort obscure, comme les causes qui l’ont provoquée d’ailleurs.
    Au XI e  siècle, on sort
en effet à peine des « terreurs » de l’An Mil. Sans exagérer ces « terreurs »,
il faut reconnaître qu’elles ont contribué efficacement à la remise en cause de
la société du haut Moyen Âge. L’ébranlement se situe à tous les niveaux. L’Empire,
que Charlemagne avait restauré, dans un contexte chrétien, est en plein
processus de désagrégation ; s’il est toujours « saint », il est
devenu, malgré la tentative d’Othon III et du pape Sylvestre II, c’est-à-dire
le moine Gerbert d’Aurillac, seulement « germanique ». Le changement
de dynastie, pourtant provoqué par Gerbert, dans le royaume des Francs a bouleversé
les données politiques : les Capétiens ne seront jamais les suffragants de
l’empereur, et ils se marginaliseront de plus en plus, conférant à leur
souveraineté un caractère sacré de plus en plus évident. Mais que ce soit dans
les territoires de l’Empire ou dans ceux du roi des Francs, le processus de
désagrégation s’accélère : au grand rêve d’universalité chrétienne, à vrai
dire quelque peu germano-romaine, de Charlemagne succède la réalité quotidienne
du particularisme, l’instauration de multiples principautés indépendantes les
unes des autres et ne reconnaissant d’unité que dans la tradition chrétienne.
    Les historiens ont tous cherché à analyser le phénomène et
en ont donné diverses interprétations. Mais aucun d’eux n’y a décelé la
résurgence de la vieille mentalité celtique, refoulée pendant des siècles et
qui a pourtant imprégné en profondeur les territoires de cette Europe en
mutation. La structure sociale des anciens Celtes est en effet très
caractéristique [1] et se démarque en tout
point de la conception latine : autant celle-ci est centraliste, construite
à partir d’une ville ( Urbs ) qui se confond
avec la communauté des citoyens ( Civitas ), autant
celle des Celtes est marquée par le refus d’une autorité centrale et par la
constitution de groupes sociaux autonomes, fonctionnant presque en autarcie, et
dont le seul lien est la communauté d’origine et de culture. Or, dans l’Europe
féodale qui s’annonce, ce sont toutes les tendances celtiques vers une société
de type horizontal que l’on peut reconnaître.
    Cette parcellisation à l’intérieur de l’ancien Empire romain
est révélatrice de la résurgence de thèmes ancestraux qui, à vrai dire, n’avaient
jamais été véritablement oubliés, mais qui, à la faveur des grandes invasions
et de la synthèse entre la germanité et la latinité, avaient trouvé à s’exprimer
de façon entièrement nouvelle. La féodalité est un système qui résulte de la
prise de conscience d’une réalité quotidienne, à savoir la difficulté, authentiquement
matérielle, d’assurer le bon équilibre des forces en présence à travers un
ensemble immense, conçu à l’échelle du monde, sinon de l’univers. La féodalité
s’est installée
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