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L'abandon de la mésange

L'abandon de la mésange

Titel: L'abandon de la mésange
Autoren: Arlette Cousture
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Blanche
n’avait pas reçu une crotte sur son beau chapeau de paille noir. Un oiseau
effronté l’avait échappée sans vergogne entre la maison et le parvis de
l’église Saint-Viateur. Élise lui jurait que l’accident s’était produit au
retour de la messe tandis que Micheline affirmait le contraire.
    – Je te jure, maman, je l’ai vue avant la
messe. Je pensais que c’était un bouton décoratif.
    Blanche avait accusé le coup sans sourire,
soucieuse de son image auprès des autres paroissiens. Elle ne fréquentait plus
l’église que le dimanche. Elle s’y était agenouillée pour recevoir des cendres
sur le front le lendemain du mardi gras, mais n’y était pas retournée de tout
le carême. Le curé ne l’y avait pas vue non plus aux vêpres en mai, le mois de
la Vierge Marie. Micheline y était allée seule, et elle avait élevé un autel à
la Vierge dans sa chambre. Blanche lui avait donné la permission d’utiliser une
nappe de dentelle pour le décor, et Élise, poussée par la curiosité mais
également pour faire plaisir à sa sœur, lui avait apporté trois belles grosses
branches de lilas.
    – Tiens, ça va parfumer ta chapelle et
cacher la puanteur de tes pieds.
    – C’est pas ma faute si j’ai une verrue
plantaire…
    – À te voir partir le soir avec ton
missel sous le bras, on peut se demander si tu n’aurais pas l’intention de
devenir une enfant de Marie…
    – Ton esprit plus-que-parfait a pas
compris que pendant un mois je peux sortir tous les soirs et voir mes amies
sans être obligée de demander de permission ? Je peux même te dire que je
suis pas la seule, puisque j’en ai vu deux ou trois qui fumaient en cachette ou
qui embrassaient leur chum derrière l’église…
    – Il me semblait, aussi, que des soirées
de prière, ça te ressemblait pas. Comme ça, tu veux faire comme tout le monde.
Je suis déçue.
    – Là, c’est moi, la déçue. Ton esprit
plus-que-parfait aurait dû voir que je veux surtout pas faire comme ma
sainte-nitouche de sœur, c’est tout.
    Là-dessus, Micheline avait indiqué la porte à
sa sœur en ordonnant :
    –  Vade retro Satanas !
    Alors que Micheline avait tendance à
s’enfermer dans sa chambre, Élise préférait s’isoler dehors, pour y respirer de
l’air frais et les parfums variés selon les saisons. En ce matin de Pâques,
elle y rejoignit sa mère et elles regardèrent ensemble les pousses de
narcisses, de jonquilles et de tulipes. Le mois de mai étant particulièrement
chaud cette année-là, elles avaient déjà déchaumé le petit coin de pelouse et
préparé les plates-bandes où elles planteraient leurs annuelles. Élise adorait
travailler dans le jardin, surtout en compagnie de sa mère.
    Ce jour-là, sans trop réfléchir, elle osa lui
demander pourquoi elle ne fréquentait pas l’église plus souvent. Blanche en
échappa presque sa binette.
    – Chacun prie à sa manière, Élise. Dans
le jardin, je pense à ton père, à ma mère, à tous ceux que j’ai aimés et qui
sont partis.
    Élise se dit que le jardin de sa mère
ressemblait dangereusement à un cimetière. Elle ne pouvait savoir que Blanche
ne se serait jamais permis de lui avouer qu’elle avait noyé une bonne partie de
ses croyances dans le bénitier de Villebois, en Abitibi, à cause du curé qui
avait précipité une de ses patientes en enfer en l’obligeant à avoir des
enfants alors que son corps usé, quoique jeune encore, n’en pouvait plus et que
chaque grossesse était pour elle une épreuve terrible, que finalement elle
n’avait pu surmonter.
    – J’ai des amies dont les mères sont pas
mal plus dévotes…
    – Tant mieux pour elles !
    Élise éclata de rire, sa mère n’ayant jamais
utilisé une telle expression.
    En juin, elles assistèrent toutes les trois à
la remise des prix scolaires. Élise et sa mère avaient toujours détesté cette
soirée, qu’elles trouvaient humiliante pour les élèves qui ne recevaient rien.
Micheline, par contre, l’adorait, parce qu’elle pouvait se pavaner devant les
frères de ses camarades. Elle recevait toujours une récompense exceptionnelle.
Cette année-là, elle eut une mention spéciale pour n’avoir manqué aucun jour de
classe et pour avoir été première en trois matières. Élise obtint le livre La
Flore laurentienne pour ses bonnes notes en géographie alors que ce livre
aurait mieux convenu à sa camarade qui était forte en botanique.
    En route pour la maison,
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