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La Rose de Sang

La Rose de Sang

Titel: La Rose de Sang
Autoren: Jacqueline Monsigny
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Prologue LE GRAND MAÎTRE
     
     
    La
lourde caraque vira sous le vent.
    C'était
un vaisseau rappelant encore par sa taille l'antique nef médiévale. Cent dix
hommes d'équipage et neuf cents passagers s'entassaient à bord de la Sainte-Marguerite.
    Accoudée
au bastingage du château avant, la fine silhouette noire d'une jeune femme
solitaire se découpait sur le golfe indigo que bordait un cirque de hauts
rochers d'or.
    L'île
de Malte s'estompait sous le soleil printanier.
    Du
balcon entourant la poupe, le capitaine, un ancien chevalier de Rhodes,
commandait avec une apparente facilité la manœuvre de cet énorme monstre marin,
jaugeant mille six cents tonneaux.
    —       Hissez la civadière ! le hunier ! Réduisez le perroquet !
    Insensible
au bruit ambiant, au claquement des voiles sur les quatre mâts, aux meuglements
du bétail parqué dans une « cale-étable », aux exclamations des passagers
s'installant dans l'entrepont, aux miaulements des chats embarqués pour tuer
les rats de la soute à grain, aux hennissements des chevaux ayant déjà le mal
de mer dans leur « écurie » et aux ordres du capitaine, répétés par les hommes
d'équipage, la jeune femme vêtue de noir paraissait transformée en une
douloureuse statue.
    Seule
trace vivante, de ses yeux plus verts que l'eau coulaient des larmes
silencieuses sur ses joues diaphanes.
    Avec
la haute mer, un vent glacé pour la saison la fit pourtant frissonner au point
de serrer frileusement autour de ses cheveux d'or roux la capuche de sa longue
berne.
    —       Souris ! Sardine ! croassa un gros oiseau noir. Avec la
familiarité d'un intime, il vint se poser sur son épaule gauche.
    La
jeune femme détacha enfin son regard désespéré de la terre. Obéissant à
l'oiseau, elle essuya vivement ses larmes, puis, d'un geste gracieux, elle
souleva le bas de son jupon en vertugadin tambour pour retourner vers le «
paradis », endroit privilégié du bâtiment où se trouvaient, sur le pont
supérieur arrière, les chambres de parade.
    Si
la jeune femme avait en cet instant levé les yeux vers le gréement, elle aurait
vu un matelot au visage grêlé qui la suivait d'un regard perçant.
    L'homme
se déplaçait avec facilité en bout de vergue à mi-mât. Au moment où elle
passait à sa hauteur, un lourd paquet de balancines s'effondra à ses pieds.
    Une
voix sévère retentit aussitôt :
    —       Hé ! l'homme ! Fais attention, tu aurais pu blesser Son
Altesse !
    D'un
geste, le marin s'excusa et, tel un singe, il grimpa dans les haubans.
    —       Vous n'avez rien, Madame? s'inquiéta aussitôt l'officier.
    —       Non, Messire, affirma la jeune femme.
    —       Son Eminence m'a mandé vous quérir, Madame !
    Botté,
casqué, la poitrine recouverte d'une cotte d'armes rouge ornée d'une croix
blanche, l'officier, un jeune chevalier des hospitaliers de
Saint-Jean-de-Jérusalem, s'inclinait devant la voyageuse.
    —       Son Eminence désire me voir maintenant ? s'étonna-t-elle.
    —       S'il plaît à Votre Altesse ! rectifia aussitôt le chevalier
qui paraissait impressionné par la beauté de son interlocutrice.
    Après
avoir marqué une imperceptible hésitation, celle-ci se débarrassa d'un geste
gentil de l'oiseau.
    —       Va, Gros Léon !
    Battant
des ailes, le volatile monta en haut du mât vers le matelot « maladroit », tout
en lançant avec force :
    —       Simagrées ! Sardanapale !
    Le
chevalier leva son visage basané par les intempéries. Un instant, il considéra
l'oiseau moqueur.
    —       Ce drôle de corbeau ne serait-il pas une pie, Madame?
interrogea-t-il.
    —       Nerini, messire Chevalier, ni l'un ni l'autre, il est de la
race des choucas, mais il est surtout l'ami le plus courageux et fidèle,
répondit la jeune femme avant d'ajouter : Je vous suis, Messire.
    Si
le chevalier de Jérusalem fut surpris par la réponse de la passagère parlant d'un oiseau comme d'un être humain, il eut la
politesse de n'en rien laisser paraître.
    Comme la jeune princesse passait devant le mât d'artimon, un violent coup de roulis la déséquilibra. Elle serait allée
donner de la tête dans le haut balustre ouvragé si le chevalier ne l'avait
retenue d'un bras ferme. Etourdie par le mouvement de la mer, la princesse
appuya son front contre la cotte d'armes. Le chevalier la retint un balancier
d'horloge de trop. Elle se dégagea avec brusquerie.
    —       Merci,
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