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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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leur vêture.
    — Monsieur le Marquis, dit Miroul qui à portée
d’oreille des deux guillaumes ne me nommait jamais autrement, je suis tracassé
d’un point d’honneur que je ne sais comment résoudre.
    —  Diga me.
    —  Vous n’ignorez pas combien j’étais habile au
lancer du cotel.
    — Ne le sais-je ? Ce lancer-là m’a plus d’une fois
sauvé la vie.
    — La merci à vous de cette remembrance.
    — La merci à vous, Monsieur de La Surie.
Poursuivez, de grâce.
    — Cependant, reprit Miroul, le cotel est arme de
mauvais garçon et le lancer du cotel, un art de la truanderie, lequel j’appris
(poursuivit-il en baissant la voix) au temps de mes folles avoines. Mais
maintenant que j’ai une terre, que j’en ai pris le nom, et que le roi m’a fait
gentilhomme, non point de cloche, mais d’épée, je me demande si je ne dois pas
de trie et de trac répudier l’usage du cotel comme ignoble, malséant et tout à
plein disconvenable à un homme de bien.
    — C’est à considérer, dis-je gravement. Une arme, après
tout, est une arme. C’est son emploi qui la rend mauvaise, non son principe.
Que si un vaunéant a un pistolet en chaque main, et vous tire de l’un à cinq
toises de vous, et fault à vous atteindre, je ne vois pas qui vous pourrait
blâmer de lui lancer le cotel avant qu’il ne vous tire de l’autre ? Autre
exemple : si en mon duel avec La Vasselière en l’hôtel de Montpensier,
elle m’avait blessé, mis sur le carreau, et s’apprêtait disgracieusement à me
daguer, ne lui aurais-tu pas mis le cotel entre les deux épaules ?
    — Avec joie, dit Miroul en serrant les dents.
    — Ou bien, repris-je, toute arme est réputée ignoble,
et alors il nous faudra marcher nus parmi les loups – ou bien toute arme
est bonne qui nous préserve des méchants. En vain, de reste, l’Église a-t-elle
attenté d’interdire l’arbalète comme perfide et traîtreuse : quatre siècles
plus tard, elle était encore en usance. Et qu’est-ce qu’une arbalète, Monsieur
de La Surie, sinon un trait qu’on lance à distance comme un cotel ?
    — C’est raison, dit La Surie. Monsieur le Marquis,
votre opinion assouage immensément ma conscience et m’ôte ce petit caillou de
mes bottes que les Latins appelaient scrupulum. D’ores en avant, je
saurai que je peux lancer mes cotels sans discontinuer d’être noble…
    Le logis que les Seize m’avaient robé, quand je dus
fuir la capitale six ans plus tôt, après les barricades qui en chassèrent mon
bien-aimé maître le roi Henri Troisième (que mon crime était d’avoir trop bien
servi), se trouvait fort commodément sis à deux pas du Louvre dans la rue du
Champ Fleuri qui courait (qui court encore) parallèle à la rue de l’Autruche, laquelle
est le boulevard qui sur le château débouche. D’aucuns Parisiens, ignorant sans
doute ce qu’est une autruche – grande bestiole originaire des déserts
d’Afrique –, préfèrent dire Autriche, mot qui leur est plus familier, mais
c’est fallace. Je n’ai mie lu le nom ainsi.
    Quant à ma rue du Champ Fleuri, elle faisait, se peut,
partie des jardins du château, avant qu’on ne le bâtît, l’espace en la capitale
s’encontrant si resserré. Pour moi, j’avais acquis ce beau logis avec les
pécunes que m’avait baillées pour récompenser mes missions secrètes Henri
Troisième, le plus donnant et libéral des princes. Non que je veuille laisser
entendre céans que Henri Quatrième, comme on l’a prétendu, fût chiche-face.
Tout au plus pourrait-on dire qu’ayant tant besoin de clicailles pour
poursuivre la guerre contre la Ligue et l’Espagne, il en fut davantage ménager,
et aussi qu’il donnait moins à sa noblesse et davantage à ses soldats
invalides – fussent-ils roturiers – et à leurs veuves.
    Pas plus qu’aucune rue de Paris (hormis le Pont Notre-Dame)
la rue du Champ Fleuri ne comporte de numéro, ce qui rend impossible qu’un
courrier vous trouve sans s’enquérir de vous auprès des voisins, les adresses
sur les lettres missives devenant, de ce fait, d’une complication à frémir. Voici
quelle était la mienne, du temps où je n’étais encore que chevalier :
     
    Monsieur le
Chevalier de Siorac
    Noble homme
    Habitant en
Paris rue du Champ Fleuri
    Face à
l’ancienne Aiguillerie
     
    Le piquant de cette adresse étant que l’Aiguillerie, ayant
fermé boutique, cessé commerce et enlevé son enseigne, on ne la trouvait pas
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