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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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remontent à la surface, d’autant plus violentes qu’elles avaient été plus longtemps contenues {4} . Et Merlin n’est plus là pour apaiser les tensions grâce à ses éclats de rire insolents.
    On pourrait parler de société bloquée. Au milieu de cette torpeur, de cette morosité, le roi Arthur se trouve plus isolé que jamais. Il est le pivot indispensable de ce melting-pot d’énergies diverses et contradictoires, mais son action est singulièrement limitée à un rôle symbolique. Pour comprendre son personnage, il faut se référer aux notions les plus archaïques concernant la royauté de type celtique et telles qu’elles sont formulées dans les récits épiques irlandais. Le roi des Celtes n’est jamais qu’une figure emblématique autour de laquelle se manifestent des forces qui, si elles ne sont pas contradictoires, sont toujours contraignantes. Le roi des Celtes est sans aucun doute divin, mais il n’est pas de droit divin : il s’est marié symboliquement avec son royaume, avec la terre, en une sorte de hiérogamie étrange dont aucune tradition chrétienne ne peut rendre compte. Le royaume et lui ne font qu’un et, selon la formule consacrée, le royaume va jusqu’où peut aller le regard du roi. Que ce dernier se garde d’être myope, sans quoi il subirait le même sort que son royaume. Le roi n’est que le centre provisoire d’un vortex qui peut aussi bien se rétrécir jusqu’à l’anéantissement que s’agrandir à l’infini dans l’univers.
    En s’emparant de l’épée Excalibur plantée dans le rocher, Arthur a réussi l’épreuve initiatique qui officialisait sa connivence avec la terre, ce en conformité avec les rites observés jadis à Tara, en Irlande, lorsque la Pierre de Fâl criait au moment où s’y asseyait l’homme que la divinité avait choisi comme roi. Celui-ci était l’Élu, mais cela n’allait pas sans contrepartie. Car la royauté de type celtique est un contrat passé devant les puissances divines et aux termes duquel le roi n’est roi qu’à condition d’en observer scrupuleusement les clauses. Au nombre de ces dernières, figure une série d’interdits magiques qui ont force de loi. D’après le très étrange récit gaélique connu sous le titre de Destruction de l’hôtel de Da Derga {5} , le roi Conairé le Grand était soumis à des obligations qui, sous des dehors peut-être ridicules à nos yeux, témoignent, par le biais des symboles, d’un grand souci d’équilibre social, cet équilibre étant présenté comme parallèle à l’équilibre cosmique censé exister entre le roi et le royaume. Les forces qu’anime le roi, personnage sacré en rapport plus ou moins étroit avec la ou les divinités, sont des forces positives, cohérentes : elles permettent l’harmonie sur la terre, elles répandent la fécondité, l’abondance, la succession des jours et des nuits, des saisons ; le cycle est refermé sur lui-même dans l’ordre temporel ; le monde tourne dans un univers pacifié, mais dont l’équilibre dépend exclusivement du roi. Une fois de plus, la comparaison avec le roi du jeu d’échecs s’impose : ce roi ne fait rien , mais sa présence est indispensable, car il est le garant absolu de tout ce qui se passe dans le royaume. Qu’il se trouve « mat », et la partie est perdue, le royaume s’effondre.
    Dans ces conditions, il est normal que le roi de type celtique se trouve encadré par un nombre incalculable d’interdits qui concernent tant son attitude individuelle que ses activités régaliennes. Le roi Conairé s’est donc vu interdire, depuis sa naissance, ce qui suppose une prédestination, de « tuer des oiseaux » ou de sortir « chaque neuvième nuit », ou encore d’accepter « dans sa maison la moindre compagnie d’hommes ou de femmes après le coucher du soleil ». On passe ainsi ostensiblement du plan individuel au plan collectif : « Aucun vol ne devra être commis sous ton règne, et tu ne devras pas apaiser une querelle entre deux de tes serviteurs. » Cela veut évidemment dire que la fonction royale est d’éliminer toute injustice, quelle qu’elle soit. De plus, si l’on en croit un autre récit irlandais, L’Ivresse des Ulates {6} , la présence du roi est nécessaire pour gagner une bataille. Et pourtant, le roi ne combat pas , et sa présence physique gêne considérablement les combattants. On trouve ici toutes les justifications du rôle effacé d’Arthur dans
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