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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
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l’avait soutenue lors du siège d’Orléans et de la campagne de la Loire, en homme de guerre qu’il était à l’origine. On lui prêtait des talents de négociateur et un goût immodéré de l’argent, ce en quoi il ne différait pas des autres favoris, sauf qu’il ne laissait rien paraître de sa fortune dans son quotidien. On disait de lui : Il ne sert ni Dieu ni le roi ni personne : il se sert. Il différait également du Gros Georges par le physique : celui d’un ascète aux traits longs et flasques ombrés d’une barbe saupoudrée de cendres par la cinquantaine.
    – Jeanne, dit-il d’emblée, je n’irai pas par quatre chemins : nous sommes fort mécontents de vous ! Depuis quelques semaines vous vous conduisez comme une garce irresponsable. Vous savez avec quelle conviction j’ai plaidé votre cause auprès de mes pairs, à Poitiers, et combien je vous ai soutenue par la suite. Vous avez répondu à notre attente au-delà de ce que nous espérions. Cependant...
    Son regard gris de fer scruta celui de la Pucelle pour juger de sa réaction. Il caressa son chat d’une main nerveuse, ajouta :
    – Avez-vous une idée des motifs de cette convocation ?
    Il tira un feuillet de sa manche, le tendit à Jeanne.
    – Cette signature : Jehanne, est bien la vôtre ? Et cette écriture est bien celle de Pasquerel ? Il s’agit de la lettre que vous avez adressée il y a quelques jours au duc Philippe de Bourgogne. Elle m’a été remise par des voies que je ne puis vous révéler mais qui sont des plus sûres. Concevez-vous, ma chère enfant, que rien ne peut ni ne doit m’échapper de ce qui se trame dans mon dos ?
    Il ajusta ses bésicles sur son nez osseux, toussota et, orientant le feuillet vers la lumière, commença à lire :
    Jésus Maria. Haut et redouté prince, duc de Bourgogne, la Pucelle vous requiert de par le Roi du Ciel, mon droiturier et souverain Seigneur, que le roi de France et vous fassiez bonne paix ferme, qui dure longtemps...
    – Vous reconnaissez les termes de cette lettre, n’est-ce pas ? demanda Regnault.
    Blême, lèvres scellées, Jeanne opina. Il poursuivit sa lecture avec, de temps à autre, des regard apitoyés, des haussements d’épaules, des effets théâtraux.
    – Jeanne, vous osez conseiller au duc de Bourgogne, après avoir fait la paix avec notre roi, d’aller faire la guerre aux Sarrasins ! Vous parlez à l’un des plus grands princes d’Occident comme à votre écuyer, vous lui donnez des conseils, des ordres et le menacez ! Le comble : vous lui reprochez de ne pas s’être présenté en personne à la cérémonie du sacre !
    Regnault prit un air narquois pour ajouter :
    – Si j’en crois cette lettre et celles que vous avez adressées aux échevins de nos bonnes villes il ne reste plus au roi qu’à vous abandonner le gouvernement du royaume !
    – Monseigneur, répliqua Jeanne, tout ce que j’ai accompli le fut par révélation.
    – Par révélation ? Vraiment ? Même ces courriers ineptes que vous envoyez à tort et à travers ? Ce charabia, Jeanne, est indigne de vous !
    – Même ces courriers, monseigneur ! Lorsque je les dictais c’est Dieu qui s’exprimait par ma voix.
    Regnault laissa filtrer de ses lèvres sèches un petit rire en crécelle.
    – Je croyais, dit-il, que Dieu s’exprimait dans un français correct et manifestait plus de rigueur dans son jugement. En fait, Jeanne, c’est le démon de l’orgueil qui vous inspire. Vos victoires vous ont tourné la tête !
    Constatant le désarroi de Jeanne au bord des larmes, il maîtrisa son courroux avant de poursuivre :
    – Par pur sentiment de charité j’ai caché cette lettre à Charles. S’il arrivait qu’elle lui tombe sous les yeux je craindrais qu’il ne vous retire son affection et sa confiance. Sachez que nous sommes engagés dans une négociation difficile avec le duc Philippe dans le but d’obtenir une trêve favorable à une paix définitive.
    – La paix ! s’écria Jeanne. Vous n’avez que ce mot à la bouche. Tant que les Godons tiendront une seule de nos villes ce sera la guerre. Négocier avec Philippe, cette créature de Bedford, c’est s’exposer à tomber dans un piège. C’était votre avis il y a peu. Auriez-vous tourné casaque ? Y aurait-il plus à glaner du côté de la Bourgogne qu’auprès de Charles ?
    Regnault se raidit, chassa le matou d’un revers de main et dit en se levant :
    – Jugement sommaire, faux, assorti d’une insolence insupportable !
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