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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
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filles et de garçons couronnés de fleurs dansaient au son d’une musette. Son écuyer, Louis de Coutes, qu’elle appelait familièrement Mugot, Dieu sait pourquoi, s’avança vers elle et prit au mors Pollux que ce tapage exaspérait.
    – Jeanne, dit d’Alençon, nous commencions à nous inquiéter ! Nous étions sur le point d’envoyer une reconnaissance vers Saint-Léonard.
    Le vieux Boussac surenchérit dans un grand rire :
    – Nous avons cru un moment que tu avais suivi ton père à Domrémy !
    Gilles ne souffla mot mais son regard et son silence proclamaient son reproche : le bruit avait couru que la reine de Sicile et le connétable de Richemont avaient décidé d’enlever la Pucelle. Dans quelle intention ? Mystère...
    – Nous avons une surprise pour toi, ajouta d’Alençon.
    – Devine ! lança Dunois.
    – Elle ne le pourrait pas, dit Boussac.
    Mugot tira le cheval de Jeanne vers la cathédrale. La foule s’était massée en rond sur le parvis comme pour un spectacle de baladins. Il en montait une rumeur confuse. Jeanne porta la main à ses lèvres pour étouffer un cri de stupeur : une grosse bombarde trônait sur le parvis, gueule béante, pareille à un énorme batracien. Elle était flanquée de grandes pannetées de boulets gros comme des melons. Sur l’extrémité antérieure du fût de bronze s’était hissée une adolescente hilare, cottes retroussées, harnachée d’une cuirasse de carton et armée d’une épée de bois.
    Un notable à la poitrine ornée des armes d’Orléans et coiffé du chaperon blanc des Armagnacs adressa à Jeanne un compliment bien troussé et chargé d’émotion.
    – Cette pièce à feu, dit-il, a été fondue en l’honneur de la Pucelle par les faures d’Orléans et de Tours. Ils y ont mis toute leur science et tout leur coeur. Nous avions prévu, Jeanne, de vous la remettre à Gien mais vous aviez déjà quitté cette ville. Nous l’avons alors amenée ici avec la certitude que vous en feriez le meilleur usage. Je souhaite que cette bombarde favorise la suite de votre mission pour le salut du royaume de France dont vous êtes l’un des plus beaux fleurons...
    Les hommes tenaient leur bonnet à la main, tête basse ; les femmes pleuraient dans un pan de leur cotte ; les enfants se pressaient autour de l’héroïne pour caresser sa monture et quêter une parole.
    Le notable d’Orléans ajouta :
    – Nous avons donné un nom à cette pièce : la Bougue. Outre qu’elle a une allure imposante, sa voix est agréable. Sauf aux oreilles des Anglais, cela va de soi...
    Il chassa la drôlesse, fit s’écarter les enfants. Le maître artiller rectifia la mire, haussa le fût par des tasseaux de bois, posa le tisonnier porté au rouge sur l’oeilleton en gueulant pour faire s’écarter les derniers curieux. La Bougue cracha son boulet en sursautant comme un boeuf sous un coup de merlin et fit un bond en arrière. À travers la fumée on put suivre la trajectoire du projectile qui, la hausse ayant été mal évaluée, écrêta la cheminée de la chanoinerie avant d’aller s’écraser au-delà des remparts.
    L’artiller allait renouveler son exploit quand un appariteur du chapitre accourut, le feu au visage, proclamant qu’il n’y avait dans la bâtisse ni Anglais ni Bourguignons et demander à l’artiller confus de réserver ses talents pour d’autres occasions.
     
    Ce n’est pas un bombardement en règle qui attendait Jeanne dans la salle capitulaire, mais une plombée de couleuvrines.
    Regnault de Chartres, archevêque de Reims et chancelier du roi, avait installé ses services dans cette salle et, entre deux tâches administratives, s’y reposait des émotions et des fatigues du sacre, avec sur les genoux un gros matou castré. Jeanne perçut du feu dans son regard lorsqu’il l’invita à s’asseoir, avec un sourd grondement au fond de la gorge, dans l’embrasure de la fenêtre ouverte sur un fouillis de rosiers épanouis dans un dernier rayon de soleil.
    – Jeanne, bougonna-t-il, si vous faites tirer le canon chaque fois que vous entrez ou sortez de cette ville, vous risquez de faire des dégâts !
    Les explications de Jeanne le firent sourire, puis son visage se renfrogna. Elle ne pouvait oublier que ce prélat avait présidé les débats qui, quatre mois auparavant, à Poitiers, dans la maison de maître Rabateau, avaient conclu à sa bonne foi. Depuis cet examen probatoire il témoignait à la Pucelle une affection bourrue. Il
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