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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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culinaire. Le groupe de joyeux convives qui faisaient honneur sans économie au vin d’Épernay entonnait des chansons gaillardes sur les paroles desquelles ils n’étaient pas entièrement en accord. Mais les variantes ne modifiaient en rien le sens général que tout le monde comprenait. Le lieutenant poursuivit malgré tout son récit, un ton plus haut :
    — Amsterdam était menacée. Pour l’épargner, ne se proposait qu’une solution, appelée ailleurs la stratégie de la terre brûlée : ouvrir les écluses de Maydon et inonder le pays. Ils en eurent le courage. Les eaux se répandirent pendant trois jours. La ville se trouva isolée au milieu du Zuydersee. Les députés demandèrent une entrevue au roi de France. Ils proposaient Maëstricht, les villes du Rhin déjà occupées, celles du Brabant et la Flandre hollandaise ; avec une indemnité de dix millions de livres.
    — Lesquelles remboursaient l’investissement consenti auprès des Anglais.
    — En quelque sorte. Seulement, Louis XIV exigea davantage. Guillaume d’Orange en profita pour chercher des coalitions auprès des princes allemands.
    — « Mieux vaut tenir que courir », aurait-on pu penser, mais le roi a ses raisons d’État qu’ignore le commun des mortels.
    — Sans aucun doute. Pierre d’achoppement, entre autres, il exigeait le rétablissement de la liberté du culte catholique.
    Nouvelle pause pour saucer les écuelles, accueillir le panier des fromages et vider le flacon.
    — C’est alors, terrible coup de semonce, que Léopold I er rompit la neutralité. Il s’allia à l’Électeur de Brandebourg et aux Provinces-Unies.
    — Lui aussi devait invoquer de bonnes raisons pour changer de camp.
    — Arcanes de la politique ! Afin d’éviter la jonction avec les Allemands, Turenne fut envoyé en Westphalie et Condé dirigé sur l’Alsace. Au mois de décembre, les Français campaient devant La Haye. Turenne battait l’Électeur de Brandebourg et le roi reprenait Maëstricht au prix que vous savez. Ce sont les grandes lignes de l’Histoire. Pour le détail, vous bénéficierez sur place du récit des principaux acteurs car moi, je n’ai que porté mes messages d’un lieu à l’autre.
    — Merci pour ce compte rendu précis. De conserve, Alexis, nous n’avons plus qu’une bataille à remporter : achever ce copieux repas.
    Dans la vaste salle, le chahut prenait des proportions inquiétantes. Les deux hommes appréciaient cette alcôve. Elle les isolait en partie des exclamations de la douzaine d’individus avinés qui fêtaient un événement indéfinissable. Il fallait espérer qu’ils n’y consacrent pas toute la nuit. Le patron et son personnel semblaient nerveux à cause des débordements incontrôlés. Ils s’empressèrent d’apporter les derniers mets commandés afin de clore le banquet au plus tôt. Mais les ripailleurs réclamaient de nouveaux pichets sur des tons sans réplique possible.
    Géraud leur tournait presque le dos. Il ne vit pas approcher en chaloupant l’un des encombrants convives. Il lut une brusque et vive contrariété dans le regard du lieutenant. À l’instant où il jetait un regard dans leur direction, l’homme lui posait une lourde dextre sur l’épaule et s’appesantissait. Par réflexe, l’agent de La Reynie tenta de se dégager. L’autre le prit mal, protesta, puis regimba en se campant :
    — Ventre de putois ! Tout doux, l’ami ! On ne repousse pas ainsi une… une courtoise invite… au toast de la convi… vialité ! Dieu de Dieu !
    Le ressac de son balancement mal contrôlé le colla contre le flanc de Lebayle qui consomma toute sa science pour se maîtriser. Mais il remarqua alors que l’individu éméché serrait dans sa main gauche son couteau à viande. Un geste intempestif entraînerait de graves conséquences.
    — C’est fort aimable, mais…
    — Point de prétessques falla… cieux qui nous fâcheraient, mille quenouilles !
    Le danger était trop précis. Géraud saisit le poignet de l’indésirable pour l’écarter sans heurt, mais l’autre ne l’entendit pas de cette oreille :
    — Holà ! Je suis venu en ambrassadeur … ambassadeur convier des étrangers à se joindre à notre fière confrérie ! Et voilà qu’on me rabroue comme un malpropre, comme un va-nu-pieds !
    Géraud, qui sentait se raidir le ressort du bras armé, ne lâcha pas prise. Le lieutenant repoussa sa chaise, prêt à intervenir. D’une violente torsion,
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