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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse
Autoren: Louis Noir
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faute, mais par le fait du bâillon   : car celui-ci enlevé, elle se mit tout aussitôt à parler. Et ce fut elle qui, avec une incroyable autorité, se mit à questionner. À l’officier qui la regardait et qui la trouvait d’un abord très distingué, elle demanda   :
    – Votre nom, lieutenant.
    Mais elle s’y connaissait donc en grades et en militaires, cette charmante petite femme.
    – Mon nom   ! dit le lieutenant en souriant. Mon nom, Mademoiselle… ou madame…   ! Leroyer.
    – Leroyer… fit-elle… très bien.
    Puis, comme si elle eût commandé la patrouille   :
    – Lieutenant, faites enlever ce jeune homme et qu’on le transporte dans la maison la plus voisine. Vous avez droit de réquisition, n’est-ce pas   ?
    – Oui   ! dit l’officier étonné de se voir commandé de la sorte et subissant le joug d’une aussi jolie femme. Car décidément elle était très jolie. Un caporal porte-lanterne avait eu cette curiosité d’éclairer le visage de la jeune femme, et toute la patrouille, comme un seul homme, à l’unanimité, sans conteste, sans hésitation, avec enthousiasme, s’était avoué, homme par homme, que c’était là une charmante femme, un beau brin de fille, quelque chose de très distingué, une de ces gaillardes qui ont le je ne sais quoi et pour lesquelles les hommes font des folies.
    D’abord elle était blonde et, quoique meurtrie, ébouriffée par la main brutale du chef Monte-à-Rebours, quoique bousculée, étouffée, frappée, décoiffée, elle avait trouvé le moyen, en un tour de main, d’étirer ses jupes, de faire rentrer sous le bonnet de dentelles les touffes rebelles, de redonner des plis gracieux à sa mante tombée à terre et replacée sur le bras. Pas de trouble. Pas d’embarras. Tous ces hommes, pour elle, semblaient des serviteurs-nés.
    Elle les appelait… citoyens   !… mais elle prononçait le mot comme s’il se fût orthographié « messieurs »   ! Elle ordonnait sans hésiter, comme une femme sûre d’être obéie par une patrouille   ; elle eût commandé de même à une armée. Étienne n’était plus le lieutenant de son capitaine demeuré au poste central   ; il était le lieutenant de cette petite femme ravissante   : lui qui discutait parfois les ordres de son chef en culottes ne discutait point ceux de son chef en jupons.
    Elle avait dit   :
    – Réquisitionnez   ! Transportez   !
    Étienne réquisitionna, transporta. Il frappa à la porte d’un magasin qui s’ouvrit   : on fit allumer des lampes dans ce magasin   : on s’enquit d’un médecin, on étala le blessé sur un comptoir.
    La petite femme, qui n’était pas une mijaurée et qui n’avait cependant rien d’une effrontée, fit sauter les boutons du gilet, sans fausse pudeur, très délibérément   ; elle examina la blessure de la poitrine, la sonda de son petit doigt rose et dit   :
    – Bien   ! bien   ! la balle n’a pas pénétré et elle s’est arrêtée sur l’os d’une côte, je la sens   ; le chirurgien l’enlèvera facilement. Mais ce pauvre jeune homme a été suffoqué   : toutefois, cette blessure, ce n’est rien.
    Au lieutenant.
    – De l’eau   ! de l’eau-de-vie   ! quelque chose   !
    Puis, regardant la figure du blessé, elle dit, avec un sentiment d’admiration qui fit faire la grimace à Étienne   :
    – Quel beau jeune homme   ! Il a vraiment l’air intelligent et distingué   : Le connaissez-vous   ?
    Et, comme Étienne semblait étonné de la question   :
    – Oh   ! fit-elle, ce ne peut être le premier venu.
    Et elle avait raison, car un sergent et plusieurs gardes dirent   :
    – C’est Saint-Giles   !
    Saint-Giles, qui signait Cinq-Giles depuis qu’il était de mode de supprimer les saints dans le calendrier, Saint-Giles fut au Lyon d’alors ce qu’André Gille, le caricaturiste, fut au Paris du second Empire. Avant 89, Saint-Giles était dessinateur sur soie, mais déjà il s’était révélé par des charges très amusantes et très originales, que l’on décalquait pour les faire passer sous le manteau. Lorsque la Révolution éclata, Saint-Giles avait dix-neuf ans et il avait déjà conquis à Lyon une certaine notoriété. Les troubles qui se prolongèrent avaient frappé au cœur l’industrie lyonnaise on ne fabriqua bientôt plus de soie   : par conséquent, plus de dessins à faire.
    Saint-Giles, qui depuis l’âge de 14 ans nourrissait sa mère, ses trois frères et ses
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