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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon
Autoren: Gérald Messadié
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véritable nom de naissance était Marie-Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, et on la surnommait Yéyette. Mais il trouvait Rose commun et sans doute prononcé par trop d’hommes dans le passé. C’était sa manie de renommer les femmes ; il avait ainsi imposé un nouveau nom à l’une de ses maîtresses de jadis, Désirée Clary : Eugénie.
    Elle était née le 23 juin 1763, aux Trois-Ilets à la Martinique. Elle avait donc quarante-cinq ans. D’ailleurs, les Bonaparte l’appelaient « la Vieille ». Ils triomphaient maintenant. Avaient-ils assez intrigué contre elle ! À commencer par ce bellâtre de Joseph, soutenu par Madame Mère.
    Cela n’allégeait pas le chagrin, mais elle avait senti l’orage grossir depuis des années, depuis les semaines précédant le sacre. Les portes closes à l’heure des tendresses et les mines froides du lendemain l’avaient assez prévenue de la décision qui mûrissait comme un cancer dans l’esprit de son époux.
    Il y avait, dans le salon des Tuileries où elle se tenait d’habitude avec les dames de la cour, une petite porte ; elle communiquait avec le cabinet de l’Empereur par un escalier dérobé. Quand celui-ci voulait entendre le conseil de sa femme, il venait parfois lui-même, y donner trois coups bien forts. C’était d’habitude le soir ; elle s’empressait d’y aller. Mais, depuis de nombreux mois, les appels impériaux s’étaient de plus en plus espacés. Et quand ils résonnaient, elle était saisie d’une agitation visible de toutes ces dames. L’une des dernières fois, elle avait fondu en larmes.
    Elle s’avisa des regards inquiets qui pesaient sur elle et se ressaisit. Mme de Sémonville lui demanda si elle désirait une tasse de café. Elle l’accepta.
    Divorcer ? songea-t-elle. Et comment s’y prendrait son ancien époux, tout empereur qu’il fût ? La loi l’interdisait déjà à toute femme qui avait dépassé quarante-cinq ans. De surcroît, il avait lui-même décrété qu’aucun membre de la famille impériale n’avait le droit de divorcer ; seule était admise la séparation de corps, à la condition que l’Empereur y consentît et qu’il n’y eût pas eu de mariage religieux {1} . Or celui-ci avait bien eu lieu, trois jours avant le sacre : il avait été célébré à minuit, dans la chapelle des Tuileries, par le cardinal Fesch, sur la recommandation expresse du pape. Les témoins avaient été peu nombreux, il est vrai, neuf, mais ils étaient toujours en vie.
    Ah, le cher Cambacérès n’aurait pas trop de ses fameuses finasseries pour tirer son maître de cette nasse.
    Elle sirota lentement le café, adouci d’une cuillerée de miel. Le parfum de la décoction se faufila dans sa mémoire ravagée de chagrin.
    La mer scintillait à travers les cocotiers et le parfum des frangipaniers flottait jusqu’à la vaste demeure des Trois-Ilets, se mélangeant à l’odeur sucrée de la bagasse que les ouvriers brûlaient dans les champs de canne à sucre. Trois fillettes en robes de mousseline blanche, des gaules comme on les appelait, flottant autour du corps, couraient dans les jardins, munies de filets à papillons.
    — J’en ai un ! s’écria la puînée, Désirée.
    Mais quand elle voulut examiner le captif, au fond du filet de tulle, l’insecte s’échappa sous son nez et elle poussa un cri de déception.
    — Marion ! cria une voix de la terrasse. Ramenez les enfants ! Il fait trop chaud !
    C’était en octobre, et l’on disait qu’en France les gens se couvraient chaudement et que l’on frissonnait dans les maisons. Était-ce Dieu possible ? La mulâtresse reconduisit les fillettes vers la maison.
    Elles étaient trois, Rose, dite Yéyette, Désirée et Marie-Françoise, dite Manette, nées chacune à deux ans d’écart.
    — Tu es tout en sueur, observa Mme de La Pagerie, essuyant de son mouchoir le front et les joues de Manette, s’attardant une fraction d’instant sur la tache pourpre qui s’étalait sur un côté du visage de l’enfant ; un défaut de naissance que la mère masquait soigneusement par un fard expédié de Paris.
    C’était un dimanche après-midi. Point de leçons pour les demoiselles et jour de repos pour les indigènes, selon les prescriptions de la Bible. Aussi le service de la maison et du domaine n’était-il assuré que par la moitié environ du personnel ordinaire, onze personnes au lieu de vingt. Désirée et Marie-Françoise reprendraient demain leurs
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