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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte
Autoren: Erckmann-Chatrian
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de la formation d’Orléans, tirés des armées du Nord
et des Ardennes, et les faire considérer comme d’ancienne
formation.
    Toutes ces choses m’intéressaient, je voyais
la manière de voter nos lois, et je reconnaissais que cela se
faisait avec ordre.
    On vota d’autres lois encore en ce jour, sur
le remboursement des offices de la maison de Louis XVI, car avant
89, toutes les places se vendaient et s’achetaient ; la
république ayant aboli ces places, voulait rendre l’argent qu’elles
avaient coûté ; c’était juste.
    Par ce même décret, elle accorda des secours
et pensions à tous les anciens serviteurs à gages du ci-devant roi,
qui par vieillesse ne pouvaient plus vivre de leur travail. Ainsi
la république s’est montrée plus juste et plus probe que les autres
gouvernements.
    Mais ce qui me rendit bien autrement attentif,
c’est quand le citoyen Couthon se mit à parler au nom du Comité de
salut public. Vous auriez cru de loin une vieille femme, avec ses
fanfreluches et sa perruque poudrée. Il parlait de sa place, étant
cul-de-jatte, et ne pouvant monter l’escalier de la tribune. Voici
ce qu’il dit ; cela donnait à penser en ce temps de terreur
horrible.
    Il dit qu’un décret avait été rendu la veille
par la Convention, pour forcer chacun de ses membres à faire
connaître la profession qu’il exerçait avant la Révolution, la
fortune qu’il avait, et les moyens par lesquels cette fortune avait
pu s’augmenter. Plus d’un, je crois, serait embarrassé de rendre un
pareil compte aujourd’hui. Il dit que ce décret ayant été renvoyé
pour les détails au Comité de salut public, le Comité s’en était
occupé tout de suite ; mais qu’il avait pensé que cet objet
était le commencement de bien d’autres mesures générales sur
l’épurement de la morale publique, et que, pour cette raison, il
n’avait encore rien arrêté ; que cela viendrait ; que le
Comité ferait un rapport sur l’influence morale du gouvernement
révolutionnaire, ensuite un autre rapport sur le but de la guerre
aux tyrans de l’Europe ; un autre encore sur les fonctions des
représentants en mission, soit aux armées, soit dans les
départements, en vue de les mieux tenir sous la main du
gouvernement ; enfin, un rapport au projet de fête à l’Être
suprême tous les dix ans.
    La salle était pleine d’enthousiasme en
l’écoutant, et de temps en temps Robespierre, qui ne finissait pas
d’écrire, baissait la tête, comme pour dire :
    « C’est ça !… c’est bien
ça ! »
    Après ce discours, on lut à l’Assemblée la
liste des prises faites par notre marine sur les Anglais et les
Hollandais, ce qui dura jusqu’à huit heures du soir.
    Le pauvre Legendre, qui seul entre tous avait
osé défendre son ami Danton à la Convention, voyant que l’épuration
n’était pas encore finie, vint dire d’un air de satisfaction, que
le conseil général de la commune de Havre-Marat avait envoyé
plusieurs adresses à la Convention, pour la remercier de son
énergie contre les conspirateurs ; qu’on avait oublié d’en
parler, mais que lui se faisait un devoir de la féliciter d’un si
beau sentiment. Il regardait Robespierre de côté, mais cet homme
vertueux, penché sur son pupitre, n’avait pas l’air de
l’entendre ; il ne baissa pas la tête une seule fois. Pauvre
Legendre ! il dut passer une bien mauvaise nuit.
    Alors la séance fut levée. Tous les gens des
balcons sortirent par les escaliers, les représentants par la
grande porte en bas, et moi je suivis la foule, rêvant à toutes ces
choses.
    Ah ! quel bonheur de retourner à la
maison, et que j’étais las de ces vertus extraordinaires de gens
qui veulent avoir tout sous la main : représentants, généraux,
soldats, comités et clubs : qui vous arrangent tout, mettent
de l’ordre en tout, et font guillotiner sans pitié les hommes de
cœur qui veulent un peu de miséricorde et de liberté. Je voyais
bien où ces mesures devaient aboutir ! Robespierre était le
maître, restait à savoir si cela durerait, car la guillotine
luisait pour tout le monde.

Chapitre 2
     
    Le lendemain 7 avril 1794, je quittai
Paris ; j’en avais assez vu.
    Quand un homme seul fait trembler tous les
autres ; quand, sur ses rapports, on est regardé comme
coupable, que les preuves, les témoins, les défenseurs ne sont plus
que des formalités ; que les juges et les jurés sont choisis
pour envoyer ceux qui les gênent à
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