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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte
Autoren: Erckmann-Chatrian
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dantonistes, soi-disant pour avoir conspiré contre le peuple
français, en voulant rétablir la monarchie, détruire la
représentation nationale et le gouvernement républicain.
    On les avait empêchés de parler ; on
avait refusé de faire venir les témoins qu’ils demandaient ;
et comme ils s’indignaient ; comme Danton parlait du peuple et
que le peuple s’indignait avec lui, Saint-Just et Billaud-Varennes,
représentant le Comité de salut public devant le tribunal
révolutionnaire, avaient couru dire à la Convention que les accusés
se révoltaient, qu’ils insultaient la justice, et que si la révolte
gagnait le dehors, tout était perdu.
    Ces malheureux ne parlaient pas des justes
réclamations de Danton, de la liste des témoins qu’il demandait et
qu’il fallait entendre, selon la loi !
    Saint-Just dit qu’un décret seul pouvait
arrêter la révolte. Et cette grande Convention nationale, tremblant
alors devant le Comité de salut public, dont Robespierre,
Saint-Just et Couthon s’étaient rendus maîtres, cette Convention,
qui tenait tête à toute l’Europe, avait décrété que le président du
tribunal révolutionnaire devait employer tous les moyens pour
forcer les accusés de respecter la tranquillité publique, et même,
s’il le fallait, aller jusqu’à les mettre hors la loi !
    C’est tout ce que Robespierre voulait.
    Le lendemain, sans entendre les témoins, ni
l’accusateur public, ni les défenseurs, ni le président, les jurés
assassins décidèrent qu’ils en savaient assez ; ils
déclarèrent Danton et ses amis coupables d’avoir voulu renverser la
république, et les juges leur appliquèrent la peine de mort.
    Je n’ai pas besoin de vous rappeler les
paroles de Danton, de Camille Desmoulins et des autres
dantonistes ; elles sont dans tous les livres qui parlent de
la république. Danton avait dit : « Mon nom est inscrit
au panthéon de l’histoire ! » Il avait raison ; ce
nom est inscrit tout en haut et celui de ses assassins en
bas ; Danton les écrase ! C’est le premier, le plus grand
et le plus fort des hommes de la Révolution ; il avait du cœur
et du bon sens, ses ennemis n’en avaient pas ; ils ont perdu
la république, et lui l’avait sauvée. Tant qu’un honnête homme
vivra parmi nous, Camille Desmoulins aura des amis qui plaindront
son sort ; tant qu’il restera chez nous des braves, le nom de
Westermann sera respecté. Mais je dis là des choses que tout le
monde sait ; il vaut mieux continuer tranquillement et ne pas
s’emporter.
    Après avoir lu cela, les yeux troubles, je me
rendis à la Convention ; je n’eus qu’à demander au premier
venu, il me dit :
    – C’est là-bas.
    Autant que je me rappelle, c’était une grande
bâtisse, donnant sur un jardin, l’escalier sous une voûte et la
lumière venant d’en haut. Chacun pouvait y monter, mais il fallait
arriver de bonne heure, pour avoir de la place dans les balcons à
l’intérieur, garnis de drapeaux tricolores et de couronnes en
peinture. Je trouvai tout de suite une place sur le devant de ces
balcons. On était assis comme aux orgues d’une église, les bras sur
la balustrade. Je voyais tous les bancs en bas, en demi-cercle, les
uns au-dessus des autres, jusque près du mur, la tribune en face.
On montait à la tribune par des escaliers sur les côtés. Tout était
en bois de chêne et bien travaillé. Les représentants arrivaient à
la file se mettre dans leurs bancs, les uns à gauche, les autres à
droite, en haut, en bas, dans le milieu, ce qui prit bien une
heure. Nos balcons aussi se remplissaient de gens du peuple en
bonnet rouge à petite cocarde, quelques-uns avaient des piques. On
parlait, cela faisait un grand bourdonnement sous cette voûte.
    À mesure que les représentants arrivaient, les
gens autour de moi disaient :
    – Ça, c’est un tel !
    – Ce gros homme, c’est Legendre.
    – Celui-ci, que les serviteurs officieux
apportent sur sa chaise, c’est Couthon.
    – Voici Billaud, Robert Lindet, Grégoire,
Barrère, Saint-Just.
    Ainsi de suite.
    Lorsqu’on parla de Saint-Just, je me penchai
pour le voir ; il était petit et blond, très beau de figure et
bien habillé, mais raide et orgueilleux. En pensant à ce qu’il
venait de faire, j’aurais souhaité lui parler dans un coin.
    On appelait ces gens « les
vertueux ! » mais nous autres, nous étions bien aussi
vertueux qu’eux, je pense, dans les tranchées de Mayence, sur
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