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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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de l'administration et de l'enseignement, l'unification du système des poids et mesures sont autant d'éléments qui contribuent à la création d'un espace homogène. Il existe cependant des résistances nombreuses, notamment dans les campagnes où les langues régionales sont encore très répandues et où l'usage des nouveaux modes de calcul n'a guère percé. Ces résistances se rencontrent aussi à l'égard des deux principales contributions demandées aux Français, à savoir l'impôt financier et l'impôt du sang.
    L'égalité de tous les Français devant l'impôt est une des bases fondamentales de la Révolution ; elle légitime l'action du tiers état en 1789. Toutefois, force est de constater que les impôts rentrent mal à la fin du Directoire, ce qui n'est pas nécessairement un signe d'incivisme, mais plutôt une marque de la désorganisation ambiante.
    Beaucoup de Français ne voient pas l'intérêt de payer l'impôt que n'acquitte pas leur voisin. Le rapport à la conscription est d'un autre ordre, car il met en cause la défense même du sol. Depuis la loi Jourdan de 1798, tous les jeunes gens de vingt à vingtcinq ans sont soumis à l'obligation de la conscription, même si tous ne sont pas appelés sous les drapeaux. Chaque département est mis à contribution, à proportion de sa population, sauf Paris et les départements de l'Ouest qui, pour des raisons opposées, obtiennent un traitement de faveur. Les réponses à cet impôt du sang sont un moyen de comprendre la force de l'attachement des Français à leur nation.
    Dans les départements belges, on assiste à de véritables révoltes contre la conscription. Pour nombre de jeunes Belges, la France est une puissance occupante. Des résistances à la conscription se font également jour à l'intérieur de l'Hexagone, en particulier dans les départements méridionaux. Dans certains cas, plus de la moitié des recrues refusent de s'enrôler ou désertent quelque temps après leur incorporation. Cette attitude révèle le rejet d'une politique imposée par Paris et le refus de la centralisation ; elle ne signifie pas nécessairement une opposition à l'œuvre révolutionnaire, mais indique les limites de l'effort d'unification consenti depuis 1790. Dix ans plus tard, la nation française est loin d'être acceptée par tous, ce qui conduit à nuancer l'enthousiasme unificateur de la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790.
    Cependant, la conscription a aussi un aspect positif. D'abord, elle 14
     

    LA FRANCE EN CRISE
    indique le fort patriotisme des populations du Bassin parisien et des plaines de l'Est, régions dans lesquelles les taux de désertion et d'in·
    soumission sont très faibles. Il est vrai que les moyens de s'y dissi·
    muler sont plus réduits que dans les montagnes du centre et du sud de la France. En outre, la conscription à laquelle se plient tout de même plus des deux tiers des jeunes Français, et près de la moitié des Méridionaux, sert à consolider la nation française. L'armée est un creuset ; elle mêle des soldats d'origine diverse, venus d'horizons différents, mais aussi de couches sociales variées. De ce point de vue, l'armée offre un formidable moyen d'ascension sociale à la jeunesse de France. À condition de ne pas être tué, un jeune soldat peut espérer gravir tous les échelons de la hiérarchie. Les généraux de la Révolution offrent suffisamment d'exemples, à commencer par Murat, fils d'aubergiste, pour servir de modèle d'intégration aux soldats. Or, l'armée incarne la Révolution ; elle est porteuse des idéaux de 1789 et continue de professer son intention de les étendre à toute l'Europe. Jusqu'en 1799, les victoires des armées françaises ont décuplé l'enthousiasme des conscrits. Ces armées sont, en revanche, moins ardentes au combat lorsque la France est défaite, comme durant l'été de 1799. En cette fin du Directoire, l'armée qui a pris une très grande place dans la société reste le principal symbole de la France révolutionnaire. Elle incarne « la Nation en armes ».
    Les contours de la nation peuvent aussi se dessiner négativement.
    Si la France fait corps avec la Révolution, tous ceux qui la refusent se trouvent rejetés hors du champ de la nation. Depuis 1790, les émigrés sont ainsi considérés comme des traîtres à la patrie ; leurs biens ont été confisqués. À partir de 1793, il leur est défendu de rentrer sur le sol français sous peine d'y trouver la
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