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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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lorsque déjà l'on crie: «Allons brûler Versailles!» Louis XV affronte l'avenir, et à tout prix sauve les biens de l'Église.—Louis XVI, sérieux, excellent catholique, très-opposé à toute nouveauté, non-seulement refusa douze ans l'État civil aux Protestants, non-seulement garda et ménagea les biens d'Église, mais se perdit plutôt que de demander au Clergé un serment purement politique, qui ne blessait en rien sa foi religieuse.
    Telle n'était point la Reine. Elle ne fut d'aucun des deux mondes, ni philosophe, ni dévote. Elle n'eut de religion que la famille. Malgré sa servitude passionnéede la Polignac qui semblait l'écarter de Vienne, il suffisait d'un mot de sa mère, de son frère, pour réveiller en elle le fond du fonds, l'intérêt autrichien.
    Les lettres qu'on vient de publier éclairent terriblement la figure de Marie-Thérèse, la part qu'elle a dans le tragique destin de sa fille. Elle la conseille bien comme femme et pour la vie privée, mais elle la corrompt comme reine, exige d'elle tout ce qui doit la perdre.
    Par sa lourde, pressante et infatigable insistance, ses prières (qui vont jusqu'aux larmes), elle en fait, dans les moments graves, ce que soupçonnait Louis XVI, un funeste agent de l'Autriche. Parfois elle la trompe, lui ment (ment à sa fille!) Souvent elle l'exploite et spécule sur ses grossesses qui lui asserviront le Roi. Le détail très-honteux en est très-authentique.
    On peut le dire, on lui vendit la Reine. Il ne l'eut (en juillet 1774) qu'au prix d'une concession déplorable. Il lutta quelque peu, et là, il est intéressant. Aidé de Maurepas, Vergennes, de ses souvenirs surtout, de sa piété filiale, il s'obstina à repousser Choiseul, l'ennemi de son père, le chef du parti autrichien. Mais sa servitude charnelle lui enleva le peu qu'il avait de force et de sens. Il faiblit trois fois pourl'Autriche, et, pour l'intérêt de Joseph, il compromit longtemps la cause américaine.
    Les véritables royalistes ne pardonneront pas aux amis de la Reine d'avoir avili Louis XVI en le faisant compère des Calonne et des Loménie, de l'avoir employé à couvrir de sa parole, de sa personne aimée et populaire, ces ministres indignes. C'est le moment où il tombe au plus bas, le seul moment où vraiment il m'étonne. Dans quel néant moral le jeta sa matérialité pesante pour qu'il oubliât le vrai Louis XVI, le roi dévot, et subît l'homme de la Reine, l'incrédule et le prêtre athée (1787)!
    Mais si le Roi, entraîné par la Reine, eut ce moment d'inconséquence, reconnaissons qu'en tout le reste, il fut fidèle à sa tradition. Il ne fut nullement, comme on a dit, incertain et variable, mais toujours le même et très-fixe (au moins dans son for intérieur) contre toute nouveauté, contraire à l'Amérique, contraire à Turgot et à Necker, forcé de marcher quelquefois, mais n'avançant qu'à reculons, et en protestant en dessous.
    Les réformes que lui arracha la force de l'opinion, n'eurent aucune portée sérieuse; on le verra par ce volume. Les fameuses Assemblées provinciales qu'on a fait valoir récemment, ne furent qu'un leurre en1786.—Le roi, loin de céder en rien au progrès et à la raison, s'aigrit par les concessions, fort légères, qu'il lui fallut faire, les mensonges qu'il lui fallut dire.—Nos pères ne se trompèrent en rien lorsqu'ils sentirent en lui le solide, l'inconvertissable ennemi de la Révolution.
    Pour établir cela et le mettre dans tout son jour, j'ai dû m'écarter un peu, effleurer, éluder ce qui m'en éloignait. De là plusieurs lacunes [3] . Maintes choses ne sont montrées que de profil, plusieurs même passées tout à fait.
    Rien ne me pèse plus que d'omettre sur le chemin tels faits admirables, héroïques, qui sont restés sans récompense, sans mémoire jusqu'ici. L'histoire doit payer pour la France.
    Ces dettes me suivent et me poursuivent.
    Je ne me pardonne pas de n'avoir pas parlé de cet obscur Léonidas qui nous a sauvés à Saint-Cast, et dont la vaillance oubliée m'est révélée à ce moment par mon savant ami, M. le professeur Macé.
    Que de dévouements, que d'efforts, de sacrifices et de cruels malheurs, que de vertus punies par la dureté du sort, dans notre histoire maritime et coloniale! Je resterais inconsolable si je n'y revenais un jour.
    Il faut dire que la France entière du XVIII e siècle (tant légère qu'on la croie) a eu un esprit étonnant de générosité, parfois excessif en
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