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HHhH

HHhH

Titel: HHhH
Autoren: Laurent Binet
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d’application de la
Solution finale. À cette date, les exécutions massives avaient déjà commencé en
Pologne et en URSS, mais elles avaient été confiées aux commandos
d’extermination SS, les Einsatzgruppen , qui se contentaient de
rassembler leurs victimes par centaines, voire par milliers, souvent dans un
champ ou dans une forêt, avant de les abattre à la mitrailleuse. Le problème de
cette méthode était qu’elle mettait les nerfs des bourreaux à rude épreuve et
qu’elle nuisait au moral des troupes, même aussi endurcies que le SD ou la
Gestapo – Himmler lui-même allait s’évanouir en assistant à l’une de
ces exécutions de masse. Par la suite les SS avaient pris l’habitude
d’asphyxier leurs victimes dans des camions bondés à l’intérieur desquels ils
avaient retourné le pot d’échappement, mais la technique restait relativement
artisanale. Après Wannsee, confiée par Heydrich aux bons soins de son fidèle
Eichmann, l’extermination des Juifs fut gérée comme un projet logistique, social,
économique, de très grande envergure.
    L’interprétation de Kenneth
Branagh est assez fine : il parvient à conjuguer une affabilité extrême
avec un autoritarisme cassant, ce qui rend son personnage très inquiétant.
Toutefois, je n’ai lu nulle part que le véritable Heydrich sut faire preuve
d’amabilité, réelle ou feinte, en quelque circonstance que ce soit. Cependant
une très courte scène du film restitue bien le personnage dans sa dimension à
la fois psychologique et historique. Deux des participants discutent en aparté.
L’un confie à l’autre qu’il a entendu dire qu’Heydrich avait des origines
juives et lui demande s’il croit possible que cette rumeur soit fondée. Le
second lui répond fielleusement : « Pourquoi ne pas aller lui poser
la question directement ? » Son interlocuteur blêmit rien que d’y
penser. Or il se trouve en effet qu’une rumeur tenace faisant de son père un
Juif a longtemps poursuivi Heydrich et empoisonné sa jeunesse. Il semble que
cette rumeur ait été infondée mais, à vrai dire, si tel n’avait pas été le cas,
Heydrich, en tant que chef des services secrets du parti nazi et de la SS,
aurait pu sans peine faire disparaître toute trace suspecte dans sa généalogie.
    Quoi qu’il en soit, ce n’est
pas la première fois que le personnage d’Heydrich aura été porté à l’écran,
puisque moins d’un an après l’attentat, dès 1943, Fritz Lang tournait un film
de propagande intitulé Les bourreaux meurent aussi sur un scénario de
Bertolt Brecht. Ce film retraçait les événements de façon totalement
fantaisiste (Fritz Lang ignorait certainement comment les choses s’étaient
réellement passées, et l’eût-il su qu’il n’aurait pas voulu prendre le risque
de le divulguer, naturellement) mais assez ingénieuse : Heydrich était
assassiné par un médecin tchèque, membre de la Résistance intérieure, qui
trouvait refuge chez une jeune fille dont le père, un universitaire, était
raflé par l’occupant avec d’autres personnalités locales et menacé d’exécution
en représailles si l’assassin ne se dénonçait pas. La crise, traitée de façon
extrêmement dramatique (Brecht oblige, sans doute), se dénouait quand la
Résistance parvenait à faire porter le chapeau à un traître collabo, dont la
mort terminait l’affaire et le film. Dans la réalité, ni les partisans ni les
populations tchèques ne s’en tirèrent à si bon compte.
    Fritz Lang a choisi de
représenter assez grossièrement Heydrich comme un pervers efféminé, un dégénéré
complet maniant une cravache pour souligner à la fois sa férocité et ses mœurs
dépravées. Il est vrai que le véritable Heydrich passait pour un détraqué
sexuel et qu’il était affublé d’une voix de fausset qui tranchait avec le reste
du personnage, mais sa morgue, sa raideur, son profil d’Aryen absolu n’avaient
rien à voir avec la créature qui se dandine dans le film. À vrai dire, si l’on
voulait rechercher une représentation un peu plus ressemblante, on gagnerait à
revoir Le Dictateur de Chaplin : on y voit Hinkel, le dictateur,
flanqué de deux sbires, dont un gros fat adipeux qui prend manifestement Göring
pour modèle, et un grand mince beaucoup plus rusé, froid et raide :
celui-là, ce n’est pas Himmler, petit moustachu chafouin et mal dégrossi, mais
bien plutôt Heydrich, son très dangereux bras droit.
8
    Pour la
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