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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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Fanchon, enfourcha Merlin et rejoignit Pongo qui, haïssant toute espèce de voiture, faisait la route à cheval. Il n’en pouvait plus de cette longue claustration silencieuse avec le fantôme de son amour défunt.
    Quand on fut arrivé à destination, Judith, à l’auberge de L’Épée Royale , poursuivit tout naturellement ce mode d’existence qui semblait lui convenir. Seule, la vue de la vieille Rozenn, l’ancienne nourrice de Gilles qu’elle connaissait bien, lui arracha un sourire et un mot gracieux. Elle embrassa même la Bretonne en l’assurant qu’elle était heureuse de l’avoir auprès d’elle. Mais elle n’eut, pour la famille Gauthier, qu’un regard glacé qui se chargea d’une curieuse expression de méfiance quand ses yeux noirs se posèrent sur le doux visage de Madalen. Et la timide révérence de la jeune fille n’obtint qu’un froid signe de tête.
    Cette attitude distante impressionna désagréablement Anna Gauthier.
    — Peut-être devrions-nous renoncer à vous suivre, monsieur le chevalier, dit-elle à Gilles. Quelque chose me dit que nous ne plaisons guère à Mme de Tournemine.
    — Vous n’êtes pas à son service. Vous êtes mes amis et nous allons, ensemble, installer un domaine, bâtir une nouvelle vie. Elle a une femme de chambre que Rozenn surveillera. Et, là-bas, vous aurez votre maison. Il ne s’agit donc que de passer ensemble le temps du voyage.
    Anna se rassura. Les contacts avec Judith se réduisirent, en effet, à peu de chose tant que dura la traversée de l’Atlantique. Le Gerfaut était un fin voilier, taillé pour la course et, en dépit d’un temps difficile, on ne mit qu’un peu plus de trois semaines pour franchir le grand océan et, ces trois semaines, la jeune Mme de Tournemine les passa tout entières dans la cabine très confortable qui avait été aménagée pour elle et qu’elle partageait avec Fanchon. Seule parmi les trois autres femmes qui se trouvaient à bord, Rozenn eut le droit de franchir le seuil de cette cabine afin d’aider une Fanchon quelque peu débordée à soigner sa maîtresse.
    En effet, à peine le navire eut-il doublé l’île de Groix que Judith, malade à mourir, s’enfermait dans sa chambre pour n’en plus bouger, atteinte d’un féroce mal de mer qui allait lui tenir compagnie tout au long du voyage. Un mal de mer bien inattendu d’ailleurs chez cette fille des eaux, habituée depuis son jeune âge à la vie semi-aquatique naturelle à tout enfant normalement constitué de la Bretagne. Que la petite sirène que Gilles avait vue surgir, un soir de septembre, des eaux du Blavet traduisît en nausées incoercibles la longue houle familière avait de quoi surprendre d’autant plus que Fanchon, la fille du cultivateur d’Aubervilliers qui n’avait jamais vu la mer, se montra, dès que l’on eut largué les amarres, aussi solidement amarinée qu’un vieux corsaire.
    Tous les matins, Gilles allait frapper à la porte de sa femme pour prendre de ses nouvelles, mais celles que lui donnaient Rozenn ou Fanchon ne changeaient guère comme ne changeait guère l’odeur de caillé qui lui venait aux narines dès l’ouverture de la porte : l’état de Judith restait stationnaire.
    La jeune femme refusait d’ailleurs obstinément de se laisser voir, ne fût-ce qu’un instant. Elle y mettait une opiniâtreté que le seul souci de son aspect extérieur n’expliquait pas. À son âge, un teint pâle, des yeux cernés et une mine défaite n’ont aucune chance d’effacer une beauté aussi achevée que la sienne et, durant les longues heures de veille nocturne qu’il aimait passer à la barre de son navire, suspendu entre le ciel noir et les vagues, Gilles tourna et retourna longuement dans son esprit les différentes données de ce problème qui se nommait Judith.
    Depuis Paris, elle ne lui avait pas adressé vingt paroles : elle avait commencé par dormir puis elle était tombée malade avec tant d’à-propos que, sans le témoignage de Rozenn, Gilles n’eût rien cru de cette maladie. Il admettait volontiers qu’elle lui gardât quelque rancune de son enlèvement et, plus encore peut-être, de lui avoir ouvert si brutalement les yeux sur le compte de l’homme dont elle était tombée si aveuglément amoureuse, au point de l’avoir confondu, pendant des mois entiers, avec le malheureux docteur Kernoa qu’elle avait cependant vu tomber sous les coups de ses frères, Tudal et Morvan de Saint-Mélaine, au soir
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