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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
Autoren: Sara Poole
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chaleur.
    — Que sais-tu à propos de ceci ?
    — Je l’ai tué.
    Le son de ma voix se réverbérant contre les murs couverts de tapisseries était étrangement discordant. Le Cardinal s’approcha, arborant une expression de choc et d’incrédulité mêlés.
    — Tu l’as tué, toi  ?
    J’avais préparé un discours qui, je l’espérais, expliquerait mes actes tout en cachant mon réel dessein. Les mots sortirent dans un tel flot de ma bouche que je craignis de tout mélanger.
    — Je suis la fille de mon père. J’ai appris à ses côtés et pourtant, lorsqu’on l’a tué, vous n’avez pas envisagé un seul instant que je puisse prendre sa place. Eussé-je été un garçon, vous l’auriez fait, mais au lieu de cela, vous avez engagé cet… autre. (Je repris mon souffle et pointai le mort du doigt.) Vous l’avez engagé pour vous protéger, vous et votre famille. Pourtant il a échoué à se protéger lui-même… De moi en tout cas.
    J’aurais pu en dire davantage. Que Borgia n’avait rien fait pour venger le meurtre de mon père. Qu’il l’avait laissé se faire rouer de coups dans la rue comme un chien, qu’il l’avait abandonné dans la crasse, le crâne fracassé, et n’avait pas levé le petit doigt pour réclamer vengeance. Qu’un tel manquement de sa part était sans précédent… et impardonnable.
    Il m’avait laissé le soin, à moi la fille de l’empoisonneur, de faire justice. Mais pour y parvenir il me fallait du pouvoir, et ma monnaie d’échange se résumait à un cadavre d’Espagnol.
    Le front immense du Cardinal se plissa, et ses yeux devinrent de simples fentes. Il paraissait plutôt calme, pourtant, ne montrant aucun signe de la colère qui l’animait quelques minutes auparavant.
    Une lueur d’espoir s’éveilla alors en moi. Dix années passées à vivre sous son toit, à l’observer, à entendre mon père parler de lui. Dix années qui m’avaient convaincue d’avoir véritablement affaire à un homme d’intelligence, de raison et de logique, un homme qui ne se laisserait jamais dominer par ses émotions. Tout cela pour en arriver à cet instant précis.
    — Comment t’y es-tu pris ?
    Il me testait ; c’était bon signe. Je pris une profonde inspiration avant de répondre, plus calmement.
    — Je savais qu’il aurait chaud et soif à son arrivée, mais aussi que la prudence lui dicterait d’examiner ce qu’on lui donnait à boire. La cruche que j’ai laissée pour lui contenait seulement de l’eau glacée, suffisamment pure pour passer toute inspection. Le poison était à l’extérieur, enduit sur le verre. Comme il transpirait, les pores de sa peau étaient grand ouverts. Il suffisait qu’il touche la cruche, et à partir de là tout irait très vite.
    — Ton père ne m’a jamais fait état d’un tel poison, que l’on puisse utiliser de cette façon.
    Je ne voyais aucune raison de dire à Il Cardinale que c’était moi, et non mon père, qui avais trouvé ce poison-là. De toute façon, il ne m’aurait probablement pas crue. Pas en ce temps-là.
    — Un artisan ne révèle jamais tous ses secrets, répliquai-je.
    Il ne répondit pas tout de suite mais s’approcha encore de moi, suffisamment pour que je sente la chaleur irradiant de lui et voie ses épaules m’évoquant celles d’un taureau bloquer la lumière. Le reflet de l’or sur la croix qui pendait de son torse puissant capta mon regard, et je ne pus l’en détacher.
    Cristo en extremis .
    Sauvez-moi .
    — Bon Dieu, jeune fille, dit le Cardinal, tu m’as surpris.
    Un aveu capital de la part d’un homme qui, disait-on, savait avant tout le monde quelle hirondelle irait se poser en premier sur quel arbre de Rome, et si la branche supporterait son poids.
    Sentant ma gorge se serrer je pris une inspiration, détournai les yeux de la croix, de lui, et me forçai à les fixer à travers la fenêtre ouverte sur le grand fleuve et la vaste contrée au-delà.
    Respire .
    — Je vous servirai, signore. (Je tournai la tête, juste assez pour croiser son regard et le soutenir.) Mais pour cela vous devez me laisser vivre.

2
    L es domestiques s’activèrent pour effacer rapidement toute trace de l’Espagnol. Ils apportèrent les coffres contenant mes effets, ainsi qu’à boire et à manger, et allèrent jusqu’à rabattre les couvertures sur le lit aux montants en bois ornés d’acanthes qui avait jadis été notre couche, à mon père et moi, et serait désormais la seule mienne.
    Leurs
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