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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête
Autoren: Michel David
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cuisine sans rouspéter pendant que son père entrait après avoir vidé
l'eau de son bol à main dans la cour.
     
    Les Brûlé
occupaient le 2429 de la rue Champagne depuis leur mariage en 1909. Ils avaient
choisi ce rez-de-chaussée parce qu'il donnait droit à une écurie et à un hangar
protégés par une solide porte cochère en bois. De plus, la petite artère reliant
la rue Dufresne à la rue Poupart était particulièrement tranquille et venait, à
l'époque, d'être pavée et dotée de trottoirs.
     
    L'appartement
était composé d'une chambre et d'un salon dont la fenêtre ouvrait directement
sur le trottoir tandis que la fenêtre d'une seconde chambre donnait sur
     
    le passage entre
les deux maisons clos par la porte cochère. C'était la chambre de Laurette. A
l'arrière, la cuisine et une troisième chambre, plus grande celle-là, avaient
vue sur la cour arrière à laquelle un étroit balcon permettait d'accéder. Les
toilettes n'étaient qu'un cagibi de quatre pieds par huit pourvu uniquement
d'une cuvette.
     
    Honoré Brûlé
entra dans la cuisine et suspendit sa casquette à l'un des six crochets fixés
au mur, derrière la porte. Sa femme déposa une tasse de thé sur le rebord de la
fenêtre, près de sa chaise berçante, sans rien dire.
     
    — Maudite misère
noire ! fit le gros homme en s'assoyant. Toute une journée d'ouvrage pour une
piastre et quart ! Ça a plus d'allure pantoute.
     
    Annette lui jeta
un coup d'œil avant de se mettre à touiller les fèves au lard qui cuisaient
dans un chaudron déposé sur le poêle.
     
    — J'ai commencé à
cinq heures et demie à matin, mais même là, j'ai pas été capable de faire deux
piastres. C'est rendu que le monde trouve ça trop cher cinq cennes pour un bloc
de glace. Je sais pas ce qu'ils mettent dans leur glacière pour empêcher leur
manger de pourrir...
     
    — Ils achètent
peut-être moins de glace parce qu'ils ont plus rien à mettre dans leur
glacière, suggéra sa femme avec bon sens. Je suis allée acheter des œufs chez
Grégoire à matin, j'ai jamais vu autant de chômeurs traîner partout. Ce pauvre
monde ! Il y en a qui crèvent de faim.
     
    — Le bonhomme
Longpré, à la glacière, m'a dit qu'il y avait trois autres compagnies de la rue
Notre-Dame qui ont slaqué du monde hier après-midi, reprit Honoré en se passant
une main sur le visage. Il y a plus d'ouvrage nulle part. En tout cas, je peux
te dire qu'il y a plus de monde qui marche qu'il y en a dans les p'tits chars.
     
    La porte
moustiquaire s'ouvrit sur les deux frères Brûlé.
     
    — Ôtez vos
souliers sales avant de marcher sur mon plancher propre, leur ordonna leur mère
sans même se donner la peine de tourner la tête dans leur direction.
     
    Les deux
adolescents enlevèrent leurs chaussures qu'ils déposèrent sur le balcon avant
d'entrer dans la cuisine.
     
    — Après le
souper, vous allez vous décrotter à fond, leur ordonna leur mère. J'ai mis tout
votre linge dans une boîte pour demain, ajouta-t-elle, la voix changée.
     
    Les deux frères
se regardèrent sans rien dire, peu heureux à la pensée de ce qui les attendait.
     
    Leurs parents
avaient décidé à contrecœur de les laisser partir le lendemain après-midi.
Adrien Parent, le frère d'Annette, avait accepté de les héberger à sa ferme de
Saint-Guillaume pour la durée de l'été. Rose et Adrien n'avaient pas d'enfant
et manquaient de bras pour exploiter leur bien. Quand Annette avait écrit à son
frère que ses deux fils n'avaient aucune chance de se trouver un emploi à
Montréal à cause de la crise, le fermier avait proposé de les embaucher jusqu'à
l'automne en précisant toutefois qu'il n'avait pas les moyens de les payer. Par
contre, il pouvait leur offrir le vivre et le couvert. En outre, il serait en
mesure de donner à Honoré une bonne quantité d'avoine pour son cheval si le
travail des deux adolescents était satisfaisant.
     
    Annette avait
longuement hésité avant d'accepter. Dans la famille, son frère et sa belle-sœur
avaient la réputation d'être pingres et durs à l'ouvrage. Et depuis qu'elle
avait perdu Joseph, son aîné, pendant l'épidémie de grippe espagnole en 1918,
elle avait un peu surprotégé ses enfants. Elle ne voulait pas les voir
connaître la misère. Malheureusement, la crise économique qui sévissait depuis
quelques mois l'avait obligée à accepter l'offre de son frère. Malgré toute son
ardeur au travail, son mari ne parvenait plus à
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