Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Courir

Courir

Titel: Courir
Autoren: Jean Echenoz
Vom Netzwerk:
reste de l’infanterie allemande se démène pour tenir, détruire un
maximum de monde avant de pouvoir envisager de se rabattre. Mais cependant
qu’on les situe précisément, qu’on les contrôle puis circonvient, on a pris
soin de faire appel à des forces d’appoint qui surviennent rapidement en
renfort. Il suffit de quelques heures pour que les dernières poches de
résistance, quand le soleil se lève, aient toutes été exterminées par les tirs
de mortiers soviétiques. Le silence retombe sur Zlin. La guerre est finie.

6
     
     
    La guerre étant finie, on s’arme de nouveau. La
Tchécoslovaquie qui a retrouvé ses frontières reconstitue ses troupes et,
appelé à faire son service, Émile quitte sans regret les établissements Bata.
La vie de garnison lui convient tout de suite mieux que l’usine. Entraîné comme
il est, l’exercice quotidien n’est rien pour lui, il aime bien manœuvrer dans
la campagne morave, gravir les collines avec son régiment, profiter de la
nature en cadence et respirer le bon air loin des poussières de silicate.
    Puis rien n’est perdu pour la course : comme des
championnats militaires sont organisés dans la République libérée, les
officiers de l’état-major qui ont l’œil en matière de sport autorisent Émile à
s’y rendre. Il y établit tranquillement deux nouveaux records et, à son retour,
on le cite à l’ordre du jour pour avoir bien représenté son unité. Tout ne va
décidément pas mal sous l’uniforme, si bien qu’Émile pense à s’inscrire à
l’Académie où l’on forme les officiers de carrière. Officier, pas si mal,
pourquoi pas. Et puis tout plutôt que retourner chez Bata. Il fait semblant d’hésiter
cinq minutes mais, comme on l’y encourage, il postule, il est aussitôt admis.
L’armée l’avait repéré depuis un moment de toute façon, qui raffole des
athlètes et lui ouvre grand les bras.
    Le jour de son arrivée à la caserne, jetant un coup d’œil par
une fenêtre, il aperçoit une piste de course qui entoure une cour et paraît
elle aussi lui sourire. Ça démarre plutôt bien même si la vie n’est pas si rose
à l’Académie, mais bon, Émile fait ce qu’on lui dit de faire, étudie ce qu’on
lui dit d’étudier, ne manque pas un jour d’exercice. Sauf que lui, quand les
autres aspirants se reposent, se met en tenue de sport et va s’entraîner, ce
qui porte encore ses fruits : quelques semaines plus tard, à Prague, il
améliore encore ses records sur trois mille et cinq mille mètres, devançant
tous ses concurrents de très loin.
    A ce moment de sa vie, Émile n’a bien sûr aucune expérience
des rencontres internationales. Or l’occasion se présente de se mesurer sur
deux mille mètres avec l’élite mondiale des coureurs et notamment le Suédois
Sundin au pas chic et léger, qui paraît avancer sans effort ni fatigue,
accélère et diminue sa vitesse à volonté. Il faut bien dire que le style
d’Émile, ce n’est pas du tout ça. Pendant la moitié de la distance, Émile se
tient à la hauteur de Sundin, le surveille de près pour ne pas se laisser
dépasser mais, quand le Suédois se lance en avant, Émile a beau s’accrocher, il
n’arrive pas à le rejoindre et passe le ruban d’arrivée juste derrière lui. Il
n’a donc pas gagné, cependant il bat le record tchécoslovaque.
    À quelque temps de là, à Brno, il rencontre sur trois mille
mètres le Hollandais Slijkhuis, coureur le plus rapide et le plus élégant
d’Europe, dont la foulée suave enchante le public. Toujours vraiment pas le
genre d’Émile qui se bat quand même pour chaque centimètre jusqu’à l’arrivée,
mais en vain. Applaudissements prolongés dans les tribunes, Émile n’a toujours
pas gagné, cependant il améliore le record tchécoslovaque.
    Il n’est pas très content, trouve qu’il lui reste beaucoup à
apprendre. Quand on le demande à Oslo, pour les premiers championnats d’Europe
d’après-guerre, il ne se pense pas à la hauteur et n’aimerait donc mieux pas en
être. Mais comme la Tchécoslovaquie tient à s’y faire représenter, Émile prend
l’avion malgré lui avec quatre camarades, c’est la première fois qu’il sort de
son pays.
    Émile, on ne l’a pas assez dit, est un garçon d’une grande
curiosité d’esprit qui se promet de voir des choses nouvelles à l’étranger.
Mais à Oslo, cantonné dans le petit quartier où on loge les athlètes, il n’a
pas le temps de voir
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher