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Courir

Courir

Titel: Courir
Autoren: Jean Echenoz
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le
signe de l’arrivée tant attendue des forces de libération. Une série de
détonations commence en effet de faire vibrer l’air par saccades :
disposée sur la pente au-dessus du stade, la batterie de D.C.A. allemande vient
d’ouvrir le feu. Émile quitte prudemment la piste mais, avant de rentrer,
profite de ce qu’il est là pour repasser par les vestiaires, récupérant les
tenues d’entraînement de ses copains qu’il prend sous le bras pour les
rapporter en ville. Rasant les murs des rues vidées par l’alerte, il est
contraint de s’arrêter, se rencognant dans une entrée d’immeuble sur la place
de l’Eglise qu’une colonne de véhicules traverse à toute allure en direction de
l’Ouest. Les occupants n’ont pas tardé à tenter de s’échapper, pas perdu tout
espoir de s’en tirer mais on voit sur leurs têtes qu’ils ont peur. Quelque part
entre la ville et la forêt, des tirs de mitrailleuses commencent à se faire
entendre, indices d’échanges sérieux et que l’armée soviétique pourrait vraiment
n’être pas loin.
    D’abord soucieux, malgré ce qui est en train de se produire,
de rendre les tenues à leurs propriétaires, Émile court vers l’école
professionnelle dès que la voie est libre. Mais il trouve les portes fermées,
tout le monde s’étant réfugié dans les caves dès le commencement de l’alerte.
De l’autre côté d’une rue qu’il allait traverser, deux maisons viennent de
s’écrouler sous l’impact d’une bombe. Émile se replie précipitamment et,
trouvant un chemin de traverse pour rejoindre l’école, il entend quelqu’un
crier quelque part que, oui, les Russes sont arrivés, qu’ils se sont mis à
tirer depuis la forêt.
    D’ailleurs, au beau milieu du jardin de l’internat, en effet
les voilà : des soldats vêtus d’uniformes inconnus avancent en scrutant
nerveusement autour d’eux. Émile se met à crier à son tour et court à leur
rencontre, il est le premier à leur parler, à leur dire qu’on les attendait,
qu’il est content de les voir, qu’il leur souhaite la bienvenue, il dit
n’importe quoi. Les soldats répondent brièvement en regardant ailleurs, mais
ils répondent quand même. On ne dispose pas de beaucoup de mots pour se faire
comprendre mais on se serre rapidement la main, on se tape sur l’épaule, on
échange par mimiques et par gestes, on s’entend à peu près comme ça.
    Bientôt, sortant l’un après l’autre de leur trou, les
habitants de Zlin s’approchent. Les soldats soviétiques ont de bons sourires
fatigués et s’inquiètent de savoir où sont les Allemands. Déjà filés pour la
plupart, leur dit-on, montrant par où ont fui les derniers véhicules. Mais tout
n’est pas réglé, une partie d’entre eux doit se cacher encore dans le coin. Il
va falloir les déloger : arrivées dans la soirée, quelques unités font
halte à Zlin. Les postes de commandement, l’emplacement des batteries sont
promptement fixés pour commencer le nettoyage et, quelques minutes plus tard,
les obusiers entreprennent de s’exprimer.
    La nuit tombée, les choses se calment, Émile rentré se
coucher ne parvient pas à s’endormir. Il vient de s’assoupir enfin quand, vers
minuit, un premier coup de feu le fait sursauter puis il entend un chœur de
mitrailleuses se remettre en action. Soli, tutti, contrepoints, un solide
combat d’artillerie vient de s’engager contre l’ennemi qui tente avec
acharnement de dégager ses dernières unités encerclées.
    Rien n’est donc gagné pour autant et la population reste
saisie de frayeur, fort inquiète de son sort si la tentative allemande
réussissait car on connaît alors la suite, otages et représailles, etc. On se
rue à nouveau dans les caves et les abris cependant que les défenseurs tiennent
bon, ripostent puis reprennent la main et, au bout d’un moment, les forces
d’occupation semblent repoussées. Émile, qui observe ce qui se passe et ne
s’est pas réfugié comme les autres, s’est armé d’une pelle de campagne pour
donner tant bien que mal un coup de main aux soldats, il les aide à creuser des
tranchées, il ne sert pas à grand-chose mais c’est toujours ça. D’ailleurs on
dirait que ça s’arrange quand tout à coup, les Allemands se remettent à tirer
furieusement, cherchant leurs victimes sur les grandes pentes exposées derrière
la ville et ça n’en finit pas.
    Le combat se poursuit toute la nuit. Retranchée dans la
forêt, ce qui
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