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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II
Autoren: Alain Peyrefitte
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général de Gaulle à partir de 1958. Ils seront présentés selon un ordre non plus thématique, mais strictement chronologique.

PROLOGUE
    Chez Lasserre, 17 janvier 1963.
    André Malraux m'a invité chez Lasserre, où il tient sa cantine. Étonnant, ce héros des révolutions d'avant-guerre qui ne peut déjeuner que dans des restaurants quatre étoiles.
    Pendant que le toit de la salle s'ouvre sur le ciel et se referme en silence, j'écoute cette voix rauque, le flot heurté de cette parole intarissable sur de Gaulle, auquel il revient toujours, comme l'aiguille de la boussole revient vers le nord. Il le suit, fidèle et incantateur, depuis 1945. À la différence de tant d'autres intellectuels, il ne lui a jamais manqué.
    La première fois qu'il m'a convié ici, voici un an, je me suis laissé surprendre. Sans regarder la carte, j'ai commandé un tournedos-salade. Il m'a repris sèchement : « Vous ne pouvez pas faire ça, ce serait faire injure au chef ! Vous devez choisir un plat cuisiné. »
    Sa conversation, ce jour-là, avait roulé autour de cette seule question : « Où le Général va-t-il maintenant nous entraîner ? Il est pressé d'en finir avec l'affaire algérienne. Il est pressé par son âge aussi. Il veut passer à autre chose. Autre chose, c'est le monde : il est impatient d'en rouvrir les horizons... »
    À la fin du repas, il m'a dit : « Dans six mois, c'est vous qui m'inviterez et la fois suivante, ce sera moi. » Consigne bienveillante, qui nous met sur un pied d'égalité, tout en me tenant à distance.
    Naturellement, je n'ai pas oublié cette invitation à l'inviter. Nous sommes restés fidèles jusqu'au bout à cette habitude de deux déjeuners annuels. Même quand, plus tard, il sombra dans la maladie au point que son élocution devenait incompréhensible, sans que jamais l'abandonnât la passion de réfléchir à haute voix — un trait qu'il partageait avec de Gaulle.

    C'est aujourd'hui son tour à nouveau. Bon élève, je consulte la carte. Il a déjà entamé son sujet favori :
    Malraux : « Cela fait juste quatre ans que le Général est à l'Élysée. Il va si vite qu'on n'a pas le temps de se retourner pour prendre la mesure de ce qui a été parcouru. Mais avez-vous réfléchi à ceci ? C'est une réussite sans exemple dans notre histoire : même le Premier Consul pâlit à côté de lui.
    AP. — Vous n'exagérez pas un peu ?
    Malraux. — Je ne pense pas. On a toujours tendance à glorifier ceux à qui les siècles ont donné la dimension historique, et à la refuser à nos contemporains. Mais plus tard, aucun homme d'État britannique n'apparaîtra sans doute aussi grand, depuis Guillaume le Conquérant, que Churchill de nos jours.
    «De Gaulle a donné à la France un éclat qu'elle n'avait pas connu depuis Louis XIV et Napoléon. Ce n'est quand même pas si mal. Or, quand Louis XIV et Napoléon ont pris le pouvoir, elle était déjà la plus grande puissance d'Europe, donc de la planète, et quand ils l'ont quitté, la France était ruinée et diminuée. De Gaulle l'a prise par deux fois, alors qu'elle était au fond de l'abîme ou qu'elle y roulait, et l'a remise sur pied par la seule force de sa volonté.
    « Il nous a sortis, à l'admiration du monde, de la glu de cette infernale guerre d'Algérie. Il nous a débarrassés d'un siècle d'illusions coloniales. Il nous a débarrassés de la IV e en 58, et il vient de nous débarrasser de son personnel politique voici deux mois. Il nous a débarrassés des Anglais, et deux fois : la première en 58, quand ils ont voulu torpiller le Marché commun de l'extérieur 1 ; la seconde, l'autre jour, alors qu'ils s'apprêtaient à le torpiller de l'intérieur. Il vient de dire non aux États-Unis, qui voulaient empocher notre bombe atomique... Il fait des coups d'éclat comme le pommier fait des pommes. Nous le savions depuis la guerre, mais c'est plus frappant dans la paix : il est un héros de l'Histoire. Il ne peut s'empêcher d'accomplir des travaux héroïques.
    AP. — Oui, mais justement, les travaux d'Hercule sont achevés. Comment se le représenter se reposant aux pieds d'Omphale ? Le train-train quotidien va l'assommer.
    Malraux. — N'en croyez rien. Il est le premier à savoir que toutes ses constructions sont fragiles. La ruine les guette. Il doit consolider ces structures édifiées à la hâte, et c'est un travail d'Hercule aussi. L'efficacité de l'État, l'indépendance de la France, l'image de la France dans le
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