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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel
Autoren: Patrick Girard
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patricienne. On pensait généralement que les siens
s’étaient établis à Kurtuba peu de temps après sa naissance et l’avaient confié
aux parents d’Euloge, et il se gardait bien de démentir cette flatteuse
affirmation.
    Très cultivé, infiniment plus que
certains clercs et évêques, Paul Alvar avait pris l’habitude de réunir chez
lui, le soir, un petit groupe de fidèles qu’il avait choisis avec soin. On
trouvait, parmi eux, les moines Fardila et Félix, les nonnes Digna, Columba et
Pomposa, le prêtre Anastasius, et deux fils de familles nobles, Bérildis et
Aurelius. Ces « conjurés », ainsi qu’ils se nommaient eux-mêmes en
plaisantant, appréciaient le luxe dans lequel vivait leur protecteur et
buvaient son vin tout autant que ses paroles. Très imbu de sa personne et du
prestige que lui conférait sa parenté avec Euloge, Paul Alvar aimait à
interpréter les saintes Écritures ainsi que les traités des principaux Pères de
l’Église dont il possédait une riche collection. Il avait une prédilection pour
Montanus dont il se gardait bien de préciser que Rome avait condamné la
doctrine hérétique. Il citait volontiers la révélation que ce dernier
prétendait avoir reçue de l’Esprit-Saint en personne : « Désirez non
pas mourir en couches ou en fièvres douces, mais en martyrs afin de Le
glorifier, Lui qui a souffert pour vous. » Il expliquait à ses auditeurs
que plus ils seraient nombreux à périr en dénonçant publiquement la perfidie
des Ismaélites, plus le pouvoir temporel de ceux-ci serait amoindri. Dans des
moments d’exaltation, il lui arrivait de répéter plusieurs fois un passage
d’une lettre écrite jadis par Tertullien au préfet romain de Carthage :
« Si vous croyez qu’il faut persécuter les Chrétiens, qu’allez-vous faire
des milliers et des milliers d’hommes et de femmes de tous âges et de toutes
conditions qui se présentent à vous ? De combien de feux et de combien
d’épées aurez-vous besoin ? »
    Bérildis, qui n’était pas, en dépit
de sa jeunesse, moins savant et lettré que lui, avait émis quelques réserves en
citant l’avis opposé du bienheureux Clément d’Alexandrie : « Car nous
condamnons ceux qui se sont précipités dans la mort. Les gens qui n’ont de hâte
que de se faire du tort ne sont pas vraiment chrétiens, bien qu’ils partagent
le nom de Chrétiens. Nous disons que ces gens-là se suicident sans gagner le
martyre. » La nuit était douce, l’assemblée attentive, et Paul Alvar
remercia intérieurement son contradicteur de lui offrir ainsi la possibilité
d’exposer aux présents tout ce qu’il pensait de l’attitude de l’Église
officielle quand, sous le règne d’Abd al-Rahman, les premiers martyrs étaient
apparus et avaient été condamnés par un concile réuni par le prédécesseur
d’Euloge, le métropolite Recafred. D’un ton doucereux, il félicita Bérildis de
son érudition et poursuivit :
    — Frère, ce que tu dis m’attriste
et m’inquiète. Tu es l’un des meilleurs éléments de notre communauté et
j’apprécie tout particulièrement ta piété et ton zèle. Des esprits mal
intentionnés ont cherché à t’abuser et je sais qui ils ont pour maître. Tu as
le grand tort de faire confiance à Antonien qui dessert la paroisse où vivent
tes parents. C’est un pleutre qui choisit ce qui l’arrange dans nos
enseignements. Il omet de mentionner ce qu’a dit le même Clément et que tu ne
peux ignorer : « Des hérétiques qui comprennent mal le Seigneur sont
à la fois impies et lâches dans leur désir de rester en vie et c’est pourquoi
la reconnaissance du vrai Dieu est pour eux le seul martyre authentique. De
cela, nous pouvons en convenir volontiers. Mais ces hérétiques assurent que
celui qui fait cette confession par la mort est homicide de lui-même et se
suicide. Et ils introduisent dans leur discussion d’autres arguties habiles
pour masquer leur couardise. »
    — C’est pourtant la position
que le métropolite de Tulaitula, Recafred, a fait adopter à ses frères évêques.
    — Dieu me garde d’insulter la
mémoire d’un défunt, soupira hypocritement Paul Alvar. Je suis heureux que
notre ami Euloge ait été choisi pour lui succéder car il est infiniment plus
digne que lui d’exercer cette charge. Recafred tremblait à l’idée de
mécontenter l’émir Abd al-Rahman qui le comblait de compliments et de cadeaux
somptueux. Il est bon de méditer
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